Extrait de la Revue : LA SEMAINE JURIDIQUE – NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE – N° 29 – 22 JUILLET 2016
Étude Famille
DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ (DIP)
Un nouveau règlement vient d’être publié concernant les régimes matrimoniaux. Il viendra se substituer à la convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux à compter du 29 janvier 2019. Ce règlement assimile le régime primaire au régime matrimonial. Le même jour, a été publié le réglement relatif aux effets patrimoniaux des partenariats enregistrés (Cons. UE, règl. (UE) n° 2016/1104, 24 juin 2016 : JOUE n° L 183, 8 juill. 2016 ; V. supra act. 900 et 920 ; étude à paraître).
Étude rédigée par Hélène Péroz
Le nouveau règlement européen sur les régimes matrimoniaux
Hélène Péroz est professeur à l’université de Nantes et membre de l’IRDP
1 – Seule la loi applicable à ces questions retiendra notre attention dans cette étude à l’exclusion de la validité en la forme et au fond de la convention de choix ou de la convention matrimoniale. Seront également exclues les questions de la compétence, de la circulation des jugements et des actes authentiques.
2 – Genèse – Deux règlements en date du 24 juin 2016 viennent bouleverser le droit international privé patrimonial de la famille1. Après les successions, ce sont donc les régimes matrimoniaux et les partenariats enregistrés qui font l’objet d’une réglementation européenne.
Ces règlements font suite à deux propositions en date du 2 mars 2016. Un instrument européen en matière de régimes matrimoniaux était déjà une priorité pour l’Union européenne en 1998. Un livre vert sur la question avait été élaboré. Le 16 mars 2011 la commission avait déjà présenté deux propositions concernant ces matières, qui n’ont donc pas abouti puisqu’il s’est avéré impossible d’arriver à les adopter
à l’unanimité des États membres de l’Union européenne.
Dix-huit États membres, dont la France, ont souhaité mettre en place une coopération renforcée en ces matières ce qu’a autorisé le Conseil de l’Union européenne.
3 – Époux mariés après le 29 janvier 2019 – Le règlement entrera en vigueur le vingtième jour suivant sa publication.
Il sera applicable à compter du 29 janvier 2019 (art. 70). L’article 69-3 prévoit que le chapitre III concernant la loi applicable ne sera applicable qu’aux époux qui se sont mariés ou qui ont désigné la loi applicable à leur régime matrimonial après le 29 janvier 2019. Cela laissera du temps aux notaires d’intégrer le nouveau règlement.
4 – Application de trois corps de règles – Une des difficultés est que le texte s’ajoute aux corps de règles de droit international privé déjà existants, ce qui ne fera que compliquer le travail des notaires. Ainsi, pour les époux mariés avant le 1er septembre 1992, la jurisprudence Gouthertz continuera à s’appliquer. Pour les époux mariés entre le 1er septembre 1992 et le 29 janvier 2019 s’appliquera la convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux.
Enfin, pour les époux mariés après le 29 janvier 2019, s’appliquera le règlement UE 2016/1103.
5 – Définition des régimes matrimoniaux – L’article 3-a définit le régime matrimonial comme l’ensemble des règles relatives aux rapports patrimoniaux entre époux et dans leurs relations avec des tiers, qui résultent du mariage ou de sa dissolution. Cette définition est la bienvenue car la convention de La Haye du 14 mars 1978 ne définissait pas le régime matrimonial.
Sont classiquement exclues du domaine du règlement différentes questions comme, entre autres, la capacité des époux, les obligations alimentaires, ou encore les successions (art. 1er).
6 – Caractère universel du règlement – L’article 20 prévoit que la loi désignée par le règlement s’applique, même si cette loi n’est pas celle d’un État membre. Ainsi, peu importe que 18 États membres soient liés par le règlement. La loi désignée pourra être celle d’un État non membre à la coopération renforcée ou encore celle d’un État hors Union européenne.
7 – Unité de loi applicable – Que la loi soit choisie ou non par les époux, celle-ci s’appliquera à l’ensemble des biens, quel que soit le lieu où ils se trouvent (art. 21). C’est donc l’unité de la loi applicable qui a été préférée par les rédacteurs.
Ainsi, les époux ne pourront pas choisir la lex rei sitae pour les immeubles, contrairement à ce qu’il est possible de faire actuellement dans le cadre de la convention de La Haye du 14 mars 1978. Les rédacteurs ont favorisé l’unité du patrimoine en corrélation avec l’unité du passif et ont voulu éviter le dépeçage du régime matrimonial. Pour autant, la loi applicable au régime matrimonial peut être inopposable aux tiers
qui se verront appliquer une autre loi dans leur rapport avec les époux. C’est aussi sans compter sur l’intervention des lois de police qui sera fréquente puisque la proposition s’applique également au régime primaire.
LA SEMAINE JURIDIQUE – NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE – N° 29 – 22 JUILLET 2016