[Étude] Réforme du cautionnement – Philippe Simler

EXTRAIT DE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – SUPPLÉMENT AU N° 43-44 – 25 OCTOBRE 2021

Philippe Simler, professeur émérite de l’université de Strasbourg, doyen honoraire de la faculté de droit, de sciences politiques et de gestion

1 – Méthode. – Si l’habilitation conférée par l’article 16 de la loi Pacte est relativement directive pour les sûretés réelles, elle se contente, sans autre précision, de recommander de « réformer le droit du cautionnement, afin de rendre son régime plus lisible et d’en améliorer l’efficacité, tout en assurant la protection de la caution personne physique ». C’est pourtant cette matière qui
fait l’objet de la réforme la plus profonde. L’ordonnance ne se limite pas à donner une nouvelle rédaction aux 33 articles formant le chapitre du Code civil traitant du cautionnement. Formellement, elle inscrit ces articles dans une structure nouvelle, plus logique, formée de 4 sections respectivement intitulées « Dispositions générales » (section 1), « De la formation et de l’étendue du cautionnement » (section 2), « De l’effet du cautionnement» (section 3) et « De l’extinction du cautionnement » (section 4). Il en résulte une modification de l’ordre ancien des articles du code. Disparaît totalement une ancienne section IV consacrée au cautionnement légal et judiciaire, dont le particularisme, somme toute très limité, est intégré dans la nouvelle section 1.

L’ordonnance n° 2021-1192 laisse inchangés les deux articles 2321 et 2322 par lesquels celle du 23 mars 2006 avait opéré réception par le Code civil de la garantie autonome et de la lettre d’intention, dont la jurisprudence avait antérieurement reconnu la spécificité. Ces dispositions n’appelaient, il est vrai, aucune modification de fond. On peut seulement regretter que cette réforme n’ait pas pu être mise à profit, en raison des limites strictes de l’habilitation, pour consacrer d’autres variétés de sûretés personnelles apparues dans l’intervalle, telles que le porte-fort d’exécution, et pour apporter quelques précisions utiles et correctifs au régime de la garantie autonome et de la lettre d’intention(1).

  1. – Dispositions générales
    2 – Objet. – Cette rubrique introductive a pour unique objet de donner une définition du cautionnement, qui n’est nouvelle que dans sa formulation, et de présenter une typologie des différentes variétés de cautionnements.
    3 – Définition du cautionnement (C. civ., art. 2288). – L’article 2288 propose une définition du cautionnement différente de celle du code de 1804, mais qui n’est nouvelle que dans sa formulation et nullement quant au fond : « Le cautionnement est le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci ». Cette formulation exprime indéniablement de manière plus claire l’objet de l’engagement de la caution que l’ancienne, quelque peu contournée, selon laquelle « celui qui se rend caution d’une
    obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même
    ».
    Mérite d’être relevé que le nouveau texte définit expressément le cautionnement comme étant un contrat, ce qui ne ressortait pas de l’ancien, mais que la jurisprudence a reconnu de longue date, même lorsque le cautionnement est dit légal ou judiciaire(2).
    La substitution du terme « payer » à celui de « satisfaire » ne doit pas être comprise comme limitant le recours au cautionnement pour la garantie des dettes de sommes d’argent, même si tel est très massivement le cas. Le concept de paiement désigne, en droit, l’exécution de toute espèce d’obligation (V. C. civ., art. 1342 s.). Il reste que, pour les obligations de faire (et, a fortiori, de ne pas faire), le cautionnement n’est pas la garantie la plus appropriée, la caution ne pouvant, le plus souvent, se substituer au débiteur garanti dans l’exécution de telles obligations.
    La caution, dans ce cas, ne paiera pas la dette du débiteur. Elle ne
    sera alors tenue qu’à une exécution par équivalent, c’est-à-dire à
    une indemnisation du préjudice subi par le créancier du fait de l’inexécution. C’est le porte-fort d’exécution qui répond le plus exactement à cette situation.
    Le même article 2288 comporte un second alinéa nouveau, précisant
    que le cautionnement « peut être souscrit à la demande du débiteur principal ou sans demande de sa part et même à son insu ». La précision ainsi donnée reproduit en substance l’alinéa 1er de l’ancien article 2291, qui disposait qu’« on peut se rendre caution sans ordre de celui pour lequel on s’oblige, et même à son insu ». Les hypothèses ainsi envisagées demeurent rarissimes et n’emportent guère de conséquences quant aux effets de l’engagement.
LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE

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