[Etude] Sauvons la requête conjointe !

EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 17 – 29 AVRIL 2019

LA SEMAINE DE LA DOCTRINE L’ÉTUDE

RÉFORME DE LA JUSTICE

Sauvons la requête conjointe !

Le rapport annexé à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit la création d’« un acte de saisine unique, en ligne », qui a vocation à se substituer aux cinq modes existants. Le glas de la requête conjointe va-t-il sonner ? C’est à redouter. S’en priver serait pourtant une erreur. Elle apparaît comme un acte résolument moderne au potentiel sous-estimé : elle est une pièce maîtresse de la justice participative. Celle-ci donne au justiciable un rôle plus actif – voire même coopératif – en favorisant notamment le règlement alternatif des différends. La requête conjointe, acte introductif d’instance rédigé de concert par les parties, se justifie et s’épanouit pleinement dans cette nouvelle forme de justice, tout en permettant sa mise en oeuvre.

Morgane Reverchon-Billot est maître de conférences à la faculté de droit de Poitiers, Équipe de recherche en droit privé (EA 1230)

1 – La requête conjointe en sursis. – « 5 ans pour sauver la justice ! ». L’ambition du rapport de la mission d’information sur le redressement judiciaire est clairement affichée. La nôtre l’est tout autant : la requête conjointe doit être sauvée. Elle est un acte résolument moderne au potentiel sous-estimé, amenée à jouer un rôle clé dans la justice du XXI e siècle. Son existence est pourtant menacée. Le rapport annexé à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit la création d’« un acte de saisine unique, en ligne (sauf pour les justiciables ne disposant pas d’outil de communication numérique) ». Celui-ci se substituerait aux cinq modes existants – assignation, requête, requête conjointe, déclaration au greffe et présentation volontaire -. L’innovation était préconisée par le rapport « Amélioration et simplification de la procédure » ; celui-ci précisait toutefois, à la différence du rapport annexé à la loi, que l’acte pouvait être non seulement unilatéral, mais également conjoint. Nous espérons qu’il s’agit là d’un oubli et que la distinction resurgira dans les textes d’application. Si telle n’était pas l’intention du législateur, la justice civile en pâtirait.

2 – Un acte consacré par la justice du XX e siècle. – Le décret n° 71-740 du 9 septembre 1971 modifié a fait de la requête conjointe un mode normal d’introduction de l’instance contentieuse ; l’objectif était de la mettre sur un pied d’égalité avec l’assignation. C’est la raison pour laquelle elle figure aux articles 57 et 57-1 du Code de procédure civile, qui se trouvent au Livre I er sur les « Dispositions communes à toutes les juridictions ». Le premier de ces textes la définit comme « l’acte commun par lequel les parties soumettent au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs » . Le second précise qu’elle permet aux parties de « conférer au juge […] [la] mission de statuer comme amiable compositeur ou le lier par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat » lorsque cette faculté leur est ouverte par l’article 12 du Code de procédure civile. Des dispositions particulières à chaque juridiction sont également prévues dans le livre II . Jusqu’en 2005, l’assignation et la requête conjointe étaient les deux seuls modes normaux d’introduction de la demande ; elle a perdu de sa supériorité symbolique lorsque le législateur a fait de la requête et de la déclaration au secrétariat de la juridiction des modes ordinaires de demande initiale…

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