EXTRAIT DE LA REVUE DROIT PÉNAL – N° 5 – MAI 2019
Etude
Sens et efficacité des peines
Virginie PELTIER, professeur à l’université de Bordeaux, institut de sciences criminelles et de la justice (EA 4633)
La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice se propose essentiellement de lutter contre les courtes peines d’emprisonnement, en évitant leur prononcé, en facilitant leur aménagement ou en développant un sursis probatoire, pour faciliter l’insertion ou la réinsertion des condamnés. Mais l’aspect sécuritaire n’est pas délaissé avec le développement des moyens alloués au renseignement pénitentiaire.

1 – La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018- 2022 et de réforme pour la justice se présente comme une réforme pénale d’envergure, avec pas moins de 110 articles répartis en 7 titres respectivement relatifs aux objectifs de la Justice et à la programmation financière (titre 1), à la simplification des procédures civiles et administratives (titre 2), aux juridictions administratives (titre 3), à la simplification et au renforcement de l’efficacité de la procédure pénale (titre 4), au renforcement de l’organisation des juridictions (titre 6), la loi s’achevant par des dispositions spécifiques à l’entrée en vigueur du texte et à son application outre-mer (titre 7). Le titre 5 de la loi souhaite, quant à lui, renforcer le sens et l’efficacité des peines en s’inspirant du rapport rendu le 15 janvier 2018 par Bruno Cotte et Julia Minkowski à madame le ministre de la Justice et garde des Sceaux à propos du chantier Sens et efficacité des peines. Le Conseil constitutionnel, saisi de certaines dispositions de ce titre, n’a, dans sa décision du 21 mars 2019, procédé à aucune invalidation les concernant.
2 – La Justice souffre d’une désaffection des citoyens, le rapport Cotte-Minkowski indiquant que l’opinion publique ne comprend pas que les peines prononcées ne soient pas exécutées rapidement. Le constat des professionnels de la Justice n’est guère plus brillant, même s’il vient en contrepoint du précédent. Il est déploré que l’emprisonnement soit l’unique réponse à la commission d’une infraction, engendrant une multitude de courtes privations de liberté. L’afflux de réformes en la matière n’a pas simplifié l’état du droit positif et l’ensemble des maillons de la chaîne pénale s’accorde à dire que la législation de la peine, pour le moins absconse et peu prévisible, doit être rationalisée.
3 – La feuille de route donnée aux rédacteurs du rapport par l’exécutif était donc relativement simple, à tout le moins dans son énoncé : comment (re)donner du sens à la sanction pénale pour qu’elle soit efficace ? Si le sens se définit comme la raison d’être, la finalité de quelque chose, donner du sens à la peine revient par conséquent à lui assigner un objectif pour être en mesure de dire, lorsqu’un acte infractionnel a été commis, ce qui justifie qu’on prononce, à l’encontre de son auteur, tel ou tel type de sanction. Mais encore faut-il que cette peine soit efficace, c’est-à-dire qu’elle produise l’effet que l’on attend d’elle. Doit-on alors tout simplement attendre qu’elle remplisse les fonctions qui lui ont été assignées par le législateur ? Selon l’article 130-1 du Code pénal, la peine vise, d’une part, à sanctionner le condamné (C. pén., art. 130-1 1) et, d’autre part, à assurer son amendement, son insertion ou sa réinsertion (C. pén., art. 130-1 2) tandis que le rapport Cotte-Minkowski estime qu’elle doit être exécutée de façon à ce que le condamné en saisisse toute la portée pour favoriser sa réinsertion et prévenir la récidive.
4 – En réalité, tout est lié : pour permettre à une personne de se réinsérer, et éviter sa récidive (efficacité), la peine infligée doit avoir été acceptée et comprise par le condamné (sens), ce qui présuppose que celui-ci se soit au préalable amendé. Pour entrer dans ce monde parfait, la peine doit donc être « utile ». On pourrait dire, à l’aune de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de peines perpétuelles, qu’elle doit se justifier par un motif d’ordre pénologique.
5 – En effet, si les juges européens utilisent l’expression en matière de longue privation de liberté, elle peut tout autant être reprise à propos de la philosophie de la loi nouvelle qui, en son titre 5, intitulé « Renforcer l’efficacité et le sens de la peine » se propose, au travers de trois chapitres, de réformer les peines encourues et leur prononcé (chapitre 1), leur exécution (chapitre 3) sans oublier ce que le législateur tient pour une innovation : la probation (chapitre 2). Ainsi, quelle que soit la peine envisagée, il faudra(it) que son prononcé (1) se justifie d’un point de vue pénologique tout autant, ensuite, que son exécution (2). La présentation de la réforme ne serait toutefois pas complète si l’on passait sous silence son volet pénitentiaire (3)…

DROIT PÉNAL
L’expertise des meilleurs pénalistes au service des professionnels du droit
Inclus dans votre abonnement : l’accès sur tablette, smartphone et en version web
AUTEUR(S) : Philippe Conte, Albert Maron, Jacques-Henri Robert