[ETUDE]Procédure civile d’appel : à la recherche d’un nouveau souffle – 19 octobre 2020

EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE DU DROIT – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 43-44 – 19 OCTOBRE 2020

La Constitution de la Vème République, sous l’impulsion de Jean Foyer, a fait basculer la procédure civile dans le domaine réglementaire. Cette modification, a dans un premier temps, ouvert de formidables perspectives notamment en termes de fluidité et de flexibilité dans la rédaction des textes. Cependant, depuis une quinzaine d’années, s’agissant plus particulièrement de la procédure d’appel, on assiste à un véritable fiasco. La Chancellerie procède désormais par diktat. La matière devient illisible

1 – Jean Foyer estimait qu’une de ses plus grandes conquêtes fut de faire basculer la procédure civile dans la partie réglementaire de la Constitution de la Cinquième République1.Garde des Sceaux, il mit en chantier une commission parfaitement structurée chargée de réformer la procédure civile dont il devint ensuite le président. Cette commission, notamment sous la plume magique de Gérard Cornu2, alliée à l’influence doctrinale d’Henri Motulsky, fut à l’origine d’une série magistrale de décrets dont la qualité fut unanimement saluée.

2 – Quelques décennies plus tard le pouvoir réglementaire, par une succession de textes, a fait perdre toute cohérence à la procédure d’appel. Le logiciel de 1967 est totalement inversé, les textes sont rédigés dans l’anonymat de la Chancellerie, sans véritable concertation préalable. Jugeons sur pièces : En 2005, la radiation faute d’exécution fiston apparition devant les cours d’appel : simple mesure d’administration judiciaire sous le seul contrôle effectif de… la Cour de Strasbourg. Nul ne sait, à ce jour, qui est à l’origine de ce texte controversé. En 2009, le décret publié à la suite du rapport de la commission Magendie II relève de l’accident procédural. Pour l’interpréter, il a été nécessaire de recourir à moult avis de la Cour de cassation. L’énigmatique article 912 du Code de procédure civile, sauf à le lire entre les lignes, ne traduisait pas la volonté de la commission d’instaurer une concentration des moyens4.

Le langage est imprécis, le mot « caducité » est employé au lieu et place de celui de « déchéance de l’appel »5. La sanction de l’irrecevabilité des conclusions de l’intimé conduit à juger à l’aveugle, bafouant le sacro-saint article 16 du Code de procédure civile, un des piliers des principes directeurs du procès civil chevillé au corps de la magistrature. Celle-ci d’ailleurs a eu souvent recours à l’article 905 du Code de procédure civile (ancienne version) pour zapper les contraintes liées au décret. En 2017, la Chancellerie claironne que les nouveaux textes vont permettre de maîtriser l’appel voie d’achèvement. L’appel doit être tourné, était-il dit, vers la critique du jugement. Exit l’appel général. La pratique a fait allègrement sauter cet obstacle, tigre de papier, en recopiant servilement l’entier dispositif de la décision attaquée.

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