Extradition

EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 15 – 15 AVRIL 2019

LA SEMAINE DE LA DOCTRINE LA VIE DES IDÉES

Le mot de la semaine

EXTRADITION

Le mandat d’arrêt européen après le Brexit

Martin Pradel, associé au Cabinet Betto Seraglini, avocat au Barreau de Paris, membre du Conseil de l’Ordre, partenaire du Club des juristes

Le 26 février dernier, Alexandre Djouhri a interjeté appel de la décision de la Westminster Magistrates’ Court de Londres, autorisant son extradition vers la France, en exécution du mandat d’arrêt européen (MAE) émis par les magistrats du Pôle financier du TGI de Paris en charge d’instruire la tentaculaire affaire du financement libyen de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy, en 2007.

Si la rupture définitive entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE) n’est pas encore datée avec certitude – un nouveau report visant à éviter que l’UE et le Royaume-Uni se séparent sur un « no-deal » n’étant pas à exclure – il est néanmoins possible que l’examen de l’appel de la décision de remise d’Alexandre Djouhri intervienne après le Brexit.

Les juges londoniens devront alors s’interroger sur la légalité d’un MAE émis antérieurement au Brexit. Plus largement, des inquiétudes persistent sur le sort de la coopération policière et judiciaire entre le Royaume-Uni et l’UE.

Aujourd’hui, la Décision-cadre 2002/584/JAI du 13 juin 2002 fixe les règles en matière de MAE pour tous les États membres de l’UE, Royaume-Uni inclus.

Dans un arrêt du 19 septembre 2018, la Cour de justice a ainsi rappelé qu’un État membre ne peut refuser d’exécuter un MAE au motif que le Royaume-Uni a exprimé son souhait de quitter l’Union (CJUE, 1 re ch., 19 sept. 2019, aff. C-327/18 : JurisData n° 2018-018065).

Le MAE est un symbole fort de la confiance mutuelle que se vouent les États membres, en étendant le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires – jusque-là restreint aux seules décisions civiles et commerciales – aux décisions adoptées en vue de l’arrestation ou de la remise d’une personne visée dans le cadre de l’exercice de poursuites pénales ou de l’exécution d’une peine.

Il a vocation à simplifier et accélérer les poursuites et l’exécution des condamnations pénales en substituant à la procédure d’extradition, purement politique, une procédure de remise, exclusivement judiciaire.

Dans le cadre de cette procédure, le contrôle de l’autorité judiciaire de l’État requis est réduit à son minimum. La remise ne peut ainsi être refusée que pour l’un des motifs expressément prévus par la décision-cadre de 2002.

Le degré de confiance affiché au sein de l’UE est ainsi tel qu’il fait obstacle à la règle, légale ou coutumière, largement observée par les États européens, selon laquelle l’extradition des ressortissants nationaux est refusée : les États membres de l’UE ne peuvent plus, depuis la mise en oeuvre de ce dispositif, refuser de remettre leurs propres ressortissants.

La décision des Britanniques de quitter l’UE annonce une profonde mutation de la coopération policière et judiciaire en Europe.

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck