[Guide de l’Avocat Commis d’Office] Assister le mis en examen devant le JLD à l’issue de son IPC

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Fiche 18

Assister le mis en examen devant le JLD à l’issue de son IPC

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I. Aperçu rapide

A. Éléments- clés

 413.  Le juge des libertés et de la détention – « JLD » – a été créé par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 et dispose de prérogatives en matière libertés individuelles.
Il dispose en effet d’une compétence exclusive pour statuer sur les demandes de placement et de renouvellement de la détention provisoire (qui était anciennement confiée au juge d’instruction), et sur les demandes de mise en liberté lorsque le juge d’instruction refuse la libération d’un mis en examen.                                                                                                                                                                 Dans le cadre de ses pouvoirs en matière de détention, il peut aussi décider d’un placement sous bracelet électronique avec assignation à résidence ou sous contrôle judiciaire.
Outre ces pouvoirs en matière de détention, d’autres attributions lui sont confiées en matière de libertés individuelles :

– s’agissant des perquisitions, saisies ou visites domiciliaires : il autorise les perquisitions de nuit
en cas d’enquête flagrante (CPP, art. 706-89) ou préliminaire (CPP, art. 706-90), s’agissant des infractions de criminalité ou délinquance organisées énumérées à l’article 706-73. Il statue sur les
contestations soulevées à l’occasion de perquisitions dans un cabinet d’avocat (CPP, art. 56-1). Il
autorise les visites domiciliaires en matière fiscale (LPF, art. L. 16 B, II, al. 1), en matière douanière
(C. douanes, art. 64), en matière de législation sur les prix et la concurrence (C. com., art. L. 450-4) ;
– dans le cadre de gardes à vue : il est compétent pour autoriser les prolongations exceptionnelles concernant les infractions énumérées à l’article 706-73, à la demande du procureur de la République, le juge d’instruction demeurant compétentlorsqu’une information est ouverte (CPP, art. 706-88).

La présente fiche traite du rôle de l’avocat commis d’office lorsqu’à la suite du défèrement de son
client devant un juge d’instruction et de sa mise en examen à l’issue de son IPC, le JLD est saisi d’une demande de placement en détention provisoire.
Dans cette hypothèse, le rôle de l’avocat sera fondamental non seulement pour vérifier que les
conditions du placement en détention provisoire sont présentes (CPP art. 143-1), et pour réunir en
amont des éléments susceptibles de renseigner sur la personnalité de l’intéressé, et notamment sur ses garanties de représentation.
Il est régulièrement utile de solliciter un débat différé pour permettre la réunion de ces éléments.
Au cours du débat contradictoire, son rôle consistera :

– non seulement à faire la synthèse des éléments de personnalité du mis en examen et de remettre les pièces correspondantes,
– mais aussi et surtout à débattre des motifs invoqués à l’appui de la demande de placement en détention provisoire ;
– et enfin à signaler au JLD les éventuelles demandes particulières en cas de placement en détention (demander à être placé dans une maison d’arrêt proche de la famille, etc.).

 B. Textes

• CPP, art. 137-1 et s., 143-1, 144, 145, 186 et 187-1.

II. Préparation

 414 . Une fois le client mis en examen à l’issue de son IPC devant le juge d’instruction, il comparaîtra
devant le juge des libertés et de la détention dans la même journée afin de tenir un débat
contradictoire en présence du procureur de la République sur son placement en détention provisoire.
Toutefois, au cours de cette audience, le mis en examen pourra demander que le débat soit différé à une date ultérieure – qui devra se tenir dans un délai de quatre jours ouvrables – pour préparer
sa défense.

A. La saisine du JLD à l’issue de l’IPC

 415. À l’issue de l’IPC, le JLD peut être saisi de deux manières :

– soit par ordonnance du juge d’instruction, sur réquisitions écrites et motivées du parquet au regard de l’article 144 du Code de procédure pénale (CPP, art. 82, al. 3) : le magistrat instructeur doit transmettre le dossier accompagné des réquisitions du parquet au JLD (CPP, art. 137-1) ;
– soit par saisine directe du ministère public en matière criminelle et pour les délits punis de dix
années d’emprisonnement (CPP, art. 137-4).

L’avocat aura informé son client de ces possibilités avant qu’il ne comparaisse devant le juge d’instruction (V. Fiche 6 : Assister le mis en cause lors de son déféré devant le juge d’instruction).

B. L’entretien client : choix entre débat contradictoire immédiat ou différé et préparation

 416. À l’issue de l’IPC, lorsque le JLD est saisi, le mis en examen est immédiatement conduit au dépôt dans l’attente du débat contradictoire devant ce magistrat.
L’avocat doit alors immédiatement demander à voir son client pour le préparer à ce débat.

1. Choix entre le débat contradictoire immédiat ou différé

 417. Dans l’hypothèse où le mis en examen dispose de garanties de représentation susceptibles d’être démontrées par la production de pièces, il est impératif de les produire devant le JLD.                                                                                                                                                                   L’avocat doit alors prendre contact avec un proche susceptible de réunir le maximum de documents et de les apporter au palais de justice sans délai. Le choix du débat contradictoire immédiat ou différé dépendra de la possibilité de réunir ces éléments avant de comparaître devant le JLD.
Toutefois, l’avocat doit informer le client que s’il fait le choix d’un débat différé, il sera incarcéré provisoirement de manière automatique jusqu’à la tenue du débat qui devra se tenir dans un délai de quatre jours ouvrables.

2. Préparation du débat contradictoire

 418. Afin de préparer le débat contradictoire, l’avocat doit :

– prendre connaissance, pour la contrer, de la motivation de l’ordonnance de saisine du juge et/ou des réquisitions écrites du parquet qui doivent être motivées « au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure » et justifier que la détention constitue « l’unique moyen de parvenir à l’un ou plusieurs des objectifs » énumérés à l’article 144 du Code de procédure pénale :

« 1° Conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité;
2° Empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ;
3° Empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices ;
4° Protéger la personne mise en examen ;
5° Garantir le maintien de la personne à disposition de la justice
6° Mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement;
7° Mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction, les circonstances de sa commission ou l’importance du préjudice qu’elle a causé. Ce trouble ne peut résulter du seul retentissement médiatique de l’affaire.
Toutefois le présent alinéa n’est pas applicable en matière
correctionnelle ».

– préparer son argumentaire et un dossier de pièces relatif aux garanties de représentation.
Pour le respect du contradictoire, il conviendra de le porter à la connaissance du procureur de la
République avant le débat (concrètement, si le débat est immédiat, il faudra lui montrer les pièces juste avant le débat) ;
– interroger le client sur un certain nombre de points en cas de placement en détention :
• sur les éventuels risques particuliers qu’il pourrait encourir dans certaines maisons d’arrêt,
• sur la localisation d’une maison d’arrêt plus à même de lui permettre de recevoir des visites de
sa famille, etc.

III. Mise en oeuvre

A. Les préalables au débat contradictoire

 419. Avant la tenue du débat contradictoire, le JLD doit faire comparaître le mis en examen devant
lui, assisté de son avocat le cas échéant, et après avoir recueillis les observations de l’intéressé,
l’informer (CPP, art. 145, al. 1 et 2) :

– soit qu’il n’envisage pas de le placer en détention provisoire : il peut alors rendre une ordonnance de placement sous contrôle judiciaire ou sous bracelet électronique avec assignation à résidence (CPP, art. 145, al. 3) ;
– soit qu’il envisage son placement en détention provisoire : il l’informe alors de la tenue d’un débat contradictoire qui peut être différé pour lui permettre de préparer sa défense (CPP,
art. 145, al. 4).

Si le mis en examen décide de demander un délai pour préparer sa défense, le JLD peut prescrire
par ordonnance motivée non susceptible d’appel l’incarcération de l’intéressé pendant un délai qu’il fixe et qui ne peut pas excéder quatre jours ouvrables (CPP, art. 145, al. 7 et 8).                               Le JLD peut également d’office ordonner de différer le débat afin de permettre au juge d’instruction de procéder à des vérifications sur la situation personnelle de l’intéressé, auquel cas il rend une ordonnance d’incarcération non susceptible d’appel et devra faire comparaître l’intéressé pour tenir le débat contradictoire dans un délai de quatre jours ouvrables (CPP, art. 145, al. 1).
À défaut d’avoir statué dans le délai de quatre jours, le mis en examen est mis en liberté d’office
(CPP, art. 145, al. 10).

B. Le débat contradictoire

 420. Le débat contradictoire doit se tenir en présence d’un avocat pour assister l’intéressé
(CPP, art. 145, al. 5), d’un greffier et du ministère public.
L’audience est publique, sauf si le parquet, le mis en examen ou son avocat s’y oppose pour l’une
des raisons énumérées à l’article 145, alinéa 6 du Code de procédure pénale.
Le JLD entend alors les réquisitions orales du parquet (qui peuvent être différentes des réquisitions écrites), les observations du mis en examen et celles de son avocat (CPP, art. 145, al. 6).
L’avocat doit alors s’attacher à faire des observations circonstanciées sur les motifs visés par le
parquet dans ses réquisitions, et par le juge d’instruction dans son ordonnance, à l’appui de leur demande de placement en détention, puis à exposer la personnalité du client pour garantir son maintien à la disposition de la justice.
À l’issue de ce débat, le JLD délibère, puis rend son ordonnance immédiatement après.
Que le JLD décide du placement sous contrôle judiciaire, sous surveillance électronique avec assignation à résidence ou du placement en détention provisoire, il doit motiver son ordonnance.
En cas de placement en détention provisoire, il devra compléter la notice prévue à l’article D. 32-1 du Code de procédure pénale qui lui aura été remise par le juge d’instruction ou le procureur selon le mode de saisine, laquelle contient les renseignements :

– sur les faits ayant motivé les poursuites ;
– les antécédents judiciaires ;
– la personnalité (notamment sur les addictions,maladies et autres).

Cette fiche une fois complétée et visée par le JLD, est transmise au chef de l’établissement pénitentiaire saisi.
L’avocat ne doit pas hésiter à signaler au magistrat toute difficulté particulière que le mis en examen
pourrait rencontrer dans telle maison d’arrêt, ou la nécessité de le voir placer dans telle autre
pour des raisons de santé, un rapprochement familial lui permettant de recevoir des visites, ou
pour tout autre motif.

C. Voie de recourscontre l’ordonnance du JLD

 421. L’ordonnance du JLD est susceptible d’appel (CPP, art. 186) :

– par le mis en examen ou son conseil dans les dix jours ;
– par le procureur de la République dans les cinq jours ;
– par le procureur général dans les dix jours. Concrètement, il est recommandé à l’avocat commis d’office d’expliquer au mis en examen placé en détention provisoire qu’il peut interjeter appel de l’ordonnance au greffe de la maison d’arrêt.

Si le mis en examen désigne l’avocat commis d’office pour la suite de la procédure, il lui appartient
de se faire immédiatement délivrer un permis de communiquer auprès du greffe du juge d’instruction
pour aller le voir en détention dans les meilleurs délais afin d’envisager cet appel.
Dans le cas contraire, et si le mis en examen entend interjeter appel de la décision : soit il faut lui
expliquer comment faire en maison d’arrêt pour interjeter appel auprès du greffe, soit se faire établir
un pouvoir de sa part pour interjeter appel pour lui (l’appel pourrait être déclaré irrecevable si l’avocat commis d’office a simplement assuré le débat contradictoire sans être l’avocat désigné dans la procédure, et il pourrait voir sa responsabilité engagée).
Il est aussi possible d’introduire un référé- liberté (CPP, art. 187-1).

CHECK- LIST                                                                                                                                                     • Avoir pris connaissance du dossier de la procédure avant le débat.
• Avoir pris connaissance de l’acte de saisine du JLD (ordonnance du juge d’instruction et/ou réquisitions du parquet).
• Contacter un proche dans la mesure du possible pour réunir les pièces de personnalité.
• Préparer ses observations et un dossier de pièces de personnalité.
• En cas de détention provisoire, demander immédiatement un permis de communiquer le cas échéant.
• Informer le client de son droit d’appel et des modalités.


POUR ALLER PLUS LOIN…

Fascicule JurisClasseur
• JCl. Procédure pénale, Art. 137 à 150, fasc. 30, Contrôle judiciaire et détention provisoire – Détention provisoire, par D. Caron, actualisé par K. Gachi.


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