Pour répondre aux problématiques actuelles du droit de la famille, cet ouvrage intitulé « Droit de la famille » propose une approche dynamique en établissant une distinction fondatrice entre les structures et les relations familiales. Grâce à ses nombreux encadrés « Prolongement », il permettra également au lecteur d’approfondir et d’appliquer la matière.
LexisNexis vous propose ci-dessous deux extraits du « Droit de la famille »
IV – De quelques tendances actuelles du droit de la famille
33. – Déjudiciarisation et privatisation. Régulièrement, la question de la déjudiciarisation ressurgit en droit de la famille, en proposant de soustraire à la compétence matérielle du juge certaines de ses attributions. De la sorte, l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015, entrée en application le 1er janvier 2016, a déjudiciarisé l’ancienne administration légale des biens du mineur, précisément exercée précédemment « sous contrôle judiciaire ». Elle crée également une nouvelle mesure de protection judiciaire du majeur vulnérable, l’habilitation familiale, dont l’exécution échappe largement au contrôle du juge des tutelles. La loi dite « Justice 21 », adoptée le 12 octobre2016, franchit un pas supplémentaire en direction de la déjudiciarisation en privatisantle divorce par consentement mutuel. Le changement reste fondamental, car le divorce concerne l’état civil des époux et échappe désormais à tout contrôle étatique, ce qui renforce la nature contractuelle du mariage. Le Conseil constitutionnel a validé cet aspect de la loi dans une décision n° 2016-739 DC du 17 novembre 2016. Le phénomène paraît d’autant plus marquant en droit de la famille que la matière demeura longtemps empreinte d’un ordre public de direction particulièrement affirmé.
La déjudiciarisation constitue un phénomène aux justifications ambiguës. Sou
vent présentée comme exprimant une noble volonté d’autonomie, en offrant aux citoyens le moyen d’organiser eux-mêmes leur situation juridique, elle paraît parfois animée par une recherche inavouée d’économie des deniers publics. Ce faisant, la déjudiciarisation constitue vraisemblablement l’ultime étape d’un processus de privatisation d’une matière jadis indisponible. En favorisant la conclusion d’accords, de conventions, en permettant de disposer dans une certaine mesure d’éléments de l’état des personnes et de l’état civil, l’équilibre classique entre la loi et la volonté a été modifié. Un temps, l’homologation permit de maintenir un contrôle étatique du respect de principes fondamentaux, tout en encourageant l’expression de la liberté contractuelle. En supprimant l’homologation judiciaire de la convention de divorce par consentement mutuel, la loi de modernisation de la Justice du 21e siècle, votée le 12 octobre 2016, invite sans doute le droit commun des obligations à la table familiale (99).
Lire la suite de cet extrait
II – Le divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats
A – Conditions du divorce par consentement mutuel par acte sous signature privé contresigné par avocats
248. – Rôle de la convention.
Sans surprise s’agissant d’un divorce par consentement mutuel, les époux doivent s’entendre par convention sur la rupture du mariage et sur ses effets. Comme dans le cadre d’un classique divorce par consentement mutuel judiciaire, le consensus se révèle ici total et le contenu de la convention résultera le plus souvent d’une négociation menée de concert avec les avocats des époux. L’une des innovations majeures, introduites par les nouvelles dispositions de manière opportune mais non sans soulever des interrogations pratiques, consiste en effet à imposer la représentation de chaque époux par un avocat. En souhaitant de la sorte que chacun des époux soit assisté d’un avocat, le législateur a entendu protéger les intérêts de chacun lors de la négociation afin de rédiger une convention équilibrée.
Prolongement pratique
Déontologie et rôle de l’avocat recevant un couple souhaitant divorcer
249. – Quoique bienvenue, l’obligation pour chaque époux divorçant par consentement
mutuel peut poser une difficulté d’ordre déontologique lors de la réception
par l’avocat, dans le cadre d’un premier rendez-vous, d’un couple souhaitant divorcer par consentement mutuel. L’avocat ne pouvant plus désormais assister les deux époux, il devrait logiquement s’abstenir à ce stade de débuter une négociation quinécessite en principe la présence de l’un de ses confrères, et préférer inviter l’un des deux époux à choisir un autre avocat. À défaut, l’un des époux pourrait se plaindre d’un éventuel conflit d’intérêts. Idéalement, la prudence devrait commander d’attirer l’attention des époux sur cette nécessité d’être chacun assisté d’un avocat, lors de la prise de rendez-vous elle-même.
250. – Contenu de la convention. La convention de divorce par consentement
mutuel doit comporter, à peine de nullité, un certain nombre de mentions énumérées
par l’article 229-3 du Code civil.
251. – Délai de réflexion. Évident stigmate de la contractualisation du divorce, voire de la consumérisation du divorce, l’article 229-4 du Code civil impose un délai de réflexion à l’époux, à compter de la réception du projet de convention que lui adresse son avocat. Le texte dispose en effet que l’avocat adresse à l’époux qu’il assiste, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, un projet de convention qui ne peut être signé, à peine de nullité, avant l’expiration d’un délai de réflexion d’une durée de quinze jours à compter de la réception. Durant cette période de quinze jours, l’époux est censé réfléchir afin de bien mesurer les incidences du consentement qu’il s’apprête à donner.
Lire la suite de cet extrait
Droit de la famille, édité par LexisNexis
Auteur : Vincent Égéa
Date de Parution : Décembre 2016