Extraits d’obs sous arrêts en Procédure civile

La Semaine Juridique Edition Générale n°22

LA SEMAINE DU DROIT CIVIL ET PROCÉDURE CIVILE

Extraits d’obs sous arrêts en Procédure civile

Les dernières nouvelles Assignation en expulsion : plutôt deux fois qu’une ?, Obs S. Dorol, ss D. n° 2017-923, 9 mai 2017 : JCP G 2017, act. 603 ;

Irrecevabilité relevée d’office et timbre fiscal, Obs. R. Laffly sur Cass. 2e civ., 11 mai 2017, n° 16-17.083, 16-17.084 : JCP G 2017, act. 604

Désistement d’action, désistement d’instance, Obs. G. Deharo sur Cass. 2 e civ., 11 mai 2017, n° 16-18.055 : JCP G 2017, act. 605

PROCÉDURE
603

Assignation en expulsion : plutôt deux fois qu’une ?

Sylvian Dorol, huissier de justice associé (Venezia & Associés), chargé d’enseignement (Paris I Sorbonne / Caen Normandie)
D. n° 2017-923, 9 mai 2017 : JO 10 mai 2017, texte n° 174

Plutôt deux fois qu’une. Ainsi est-il possible de résumer le décret n° 2017-923 relatif au document d’information en vue de l’audience délivré aux locataires assignés aux fins de constat de la résiliation du contrat de bail pris pour l’application de la recommandation n° 22 du plan interministériel de prévention des expulsions locatives du 18 mars 2016. Concrètement, le décret commenté prévoit lorsqu’une assignation en expulsion est signifiée que l’huissier de justice (ou son clerc significateur) remette à l’assigné un document rappelant les date, horaire, lieu de l’audience, que sa présence y est importante et la possibilité de demander une aide juridictionnelle ou de saisir les acteurs de la prévention des expulsions locatives. Ce document est en quelque sorte une « vulgarisation de l’assignation » en ce qu’il reprend le contenu de l’assignation excepté les éléments inhérents au demandeur (identité, demande…). Sa remise, par pli séparé, est obligatoire : que l’acte soit signifié à personne, à tiers présent, ou déposé en l’étude de l’huissier de justice. Cette nouvelle obligation laisse un sentiment partagé à son lecteur. Si l’intention est louable, il demeure possible de s’interroger sur l’opportunité de remettre un document écrit qui rappelle des informations contenues dans l’assignation : le destinataire de l’acte risque de confondre le document d’information et l’assignation, ce qui nuirait gravement à la défense de ses intérêts. Il est également dommage que, lorsque l’acte est signifié à personne, il soit prévu que ce document est remis. Il aurait été peut-être plus opportun d’effectuer un rappel verbal de certaines mentions de l’acte, comme cela est prévu dans certaines procédures (saisie-vente, injonction de payer…).Pour autant, l’ambition est noble : informer au mieux le potentiel expulsé de sa situation et de ses droits par la remise de ce document qui synthétise l’assignation. Cette vulgarisation de l’assignation est d’ailleurs bienvenue : la traduction des termes juridiques est familière de l’huissier de justice qui rencontre sans cesse des justiciables pour leur remettre des documents et leur expliquer les effets de l’acte signifié. Le fait que ce soit cet officier public et ministériel qui remette ce document est donc à saluer. Cette nouvelle obligation n’est pas assortie de sanctions juridiques, mais cela n’enlève en rien à sa force contraignante. Il convient donc de s’interroger sur la preuve de cette remise : comment le bailleur (et l’huissier de justice) pourront-ils prouver la remise de ce document, qui doit être indépendant de l’assignation ? Une simple mention dans le procès-verbal de signification indiquant la réalisation de cette formalité suffira certainement. Plutôt deux fois qu’une ? Oui, sans conteste en matière d’expulsion. Même si nous sommes convaincus que la seule signification de l’assignation se suffi sait à elle-même : en cas de remise à personne, l’huissier peut répondre immédiatement aux questions du signifié et, dans les autres cas, l’acte est conservé en son étude durant 3 mois gratuitement où le personnel peut également lui répondre.

PROCÉDURE
604

Irrecevabilité relevée d’office et timbre fiscal

Romain Laffly, avocat associé, Lexavoue Lyon
Cass. 2 e civ., 11 mai 2017, n° 16-17.083, 16-17.084, P+B : JurisData n° 2017-008846

La cour d’appel de Paris, au visa de l’article 963 du  Code de procédure civile qui dispose que « Lorsque l’appel entre dans le champ d’application de l’article 1653 bis P du Code général des impôts, les parties justifient, à peine d’irrecevabilité de l’appel ou des défenses selon le cas, de l’acquittement du droit prévu à cet article », constate que l’appelante ne s’est pas acquittée  du paiement du timbre fiscal et que l’appel est de facto irrecevable. La cassation était inévitable et la 2 e chambre civile juge, au visa des articles 16 et 963 du Code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention EDH, qu’en statuant ainsi, d’une part, sans avoir invité l’appelante à s’expliquer sur le défaut de justification du paiement et, d’autre part, alors qu’il ressortait du dossier que l’avis préalablement adressé par le greffe à l’avocat de l’appelante en vue de cette justification comportait une erreur sur l’identité de l’avocat – de sorte que les éléments du dossier n’établissaient pas que l’appelante, à défaut d’avoir été invitée à s’expliquer sur la fin de non-recevoir, avait été à tout le moins mise en mesure de régulariser la situation – la cour d’appel a violé les textes susvisés. Chacun sait que l’acquittement du timbre fiscal par l’appelant comme par l’intimé (au jour des faits de 150 € et désormais de 225 €) est dû à peine d’irrecevabilité, le dernier alinéa de l’article 963 du Code de procédure civile ajoutant que « l’irrecevabilité est constatée d’office par le magistrat ou la formation compétente. Les parties n’ont pas qualité pour soulever cette irrecevabilité. Elles sont avisées de la décision par le greffe ». Ainsi, si le conseiller de la mise en état ou la cour d’appel peuvent s’emparer de l’irrecevabilité, celle-ci constitue néanmoins une fin de non-recevoir qui peut être relevée d’office. Dès lors, comme toute fin de non-recevoir susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité est écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue par application de l’article 126 du Code de procédure civile. Bien qu’aucun timbre ne soit désormais dû devant la chambre sociale de la cour d’appel, c’est la chambre sociale de la Cour de cassation qui a rappelé, à propos du timbre de 35 € alors dû au titre de l’aide juridictionnelle, que la situation pouvait être régularisée tant que le juge n’avait pas statué ( Cass, soc., 28 mars 2012, n° 11-61.180 : JurisData n° 2012-005516 ; Procédures 2012, comm. 166, R. Perrot ). Les parties peuvent donc s’acquitter du paiement du timbre fiscal tant que la cour ou le conseiller n’a pas statué, et il n’est pas rare qu’à l’audience de plaidoirie, le président invite l’avocat à régulariser sans délai afin d’éviter une irrecevabilité. Car si l’avocat n’a pas été mis en demeure en cours de procédure, par message du greffe, de s’acquitter du timbre fiscal – en l’espèce cette demande avait été adressée à une adresse de destinataire erronée – le juge ne peut bien évidemment relever d’office le moyen sans rouvrir les débats. L’article 16, alinéa 3 du Code de procédure civile dispose en effet qu’il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevé d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. Et la Cour de cassation a entendu donner une portée toute particulière à son arrêt, publié au Bulletin, en visant de surcroît l’article 6, § 1, de la Convention EDH.

PROCÉDURE
605

Désistement d’action, désistement d’instance

Gaëlle Deharo, professeur ESCE International Business School
Cass. 2 e civ., 11 mai 2017, n° 16-18.055, P+B : JurisData n° 2017-008838

Le demandeur avait en l’espèce saisi le tribunal de  commerce d’une demande de résiliation d’un contrat  d’agent commercial ; il avait également déposé une  plainte avec constitution de partie civile à l’encontre  de son contradicteur. Le tribunal avait alors prononcé un sursis à statuer dans l’attente de la décision  pénale définitive. Après la confirmation de l’ordonnance de  non-lieu, le demandeur avait successivement déposé des écritures en reprise d’instance puis en désistement d’instance et d’action. Le défendeur avait quant à lui présenté des demandes  reconventionnelles lors de l’audience. La question était ainsi posée de la recevabilité de ces demandes reconventionnelles.  Selon l’article 394 du Code de procédure civile, « le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance ». Ce désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur ( CPC, art. 395, al. 1 ). Le principe connait cependant des exceptions : aux termes de l’article  395, alinéa 2, l’acceptation n’est pas nécessaire si le défendeur  n’a présenté aucune défense au fond ou fi n de non-recevoir au  moment où le demandeur se désiste ( Cass. com., 22 mars 2016, n° 14-16.010, inédit ). Réciproquement, il résulte de cette disposition que si le défendeur a déposé une défense au fond ou une fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste, le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur ( Cass. 2 e civ., 14 avr. 2016, n° 15-16.246, inédit. – Cass. com., 10 févr. 2015, n° 13-19.121, inédit ). Une cour d’appel ne saurait  donc déclarer les prétentions du défendeur irrecevables sur le  fondement du désistement du demandeur sans constater que celui-ci avait été accepté ( Cass. com., 8 avr. 2014, n° 12-35.387 : JurisData n° 2014-007028 ). Dans le même sens, la jurisprudence censure donc pour violation de la loi les juridictions du fond qui  retiennent que le désistement formulé par écrit antérieurement  à l’audience produit immédiatement son effet extinctif, avant  l’ouverture des débats, à l’égard de toutes les parties, alors  qu’antérieurement au désistement d’instance le défendeur avait  présenté un moyen de défense au fond de sorte que l’acceptation du désistement était nécessaire ( Cass. 2 e civ., 17 mars 2016, n° 15-10.768 : JurisData n° 2016-005217 ).  Mais c’est en l’espèce un désistement d’instance et d’action qui  avait été présenté par le demandeur. Aussi, se prononçant sous  le visa des articles 394, 395 et 446-1 du Code de procédure  civile, la Cour de cassation relève que « le désistement d’action  du demandeur avait immédiatement produit son effet extinctif  ce dont il résultait que les demandes reconventionnelles présentées par le défendeur étaient irrecevables ».  C’est donc sur le fondement du désistement d’action que se  prononce la Cour de cassation. La jurisprudence avait déjà précisé la règle : le désistement d’action, quand il est total, a pour  effet d’entraîner l’extinction de l’instance et la partie adverse ne peut s’y opposer ( Cass. soc., 7 févr. 2006, n° 04-41.386 ). Portant  sur le droit lui-même, le désistement d’action « est une renonciation à se prévaloir du droit ou de l’un de ses attributs. Le demandeur fait abdication de son droit d’être entendu sur le fond  de sa prétention » ( B. Boubli, Le défendeur ne peut s’opposer au désistement d’action : JCP S 2006, 1222 ). Le désistement  d’action n’a donc pas à être accepté par le défendeur, à moins  que celui-ci ait déjà formé une demande reconventionnelle. En  l’espèce, le désistement d’action avait immédiatement produit  son effet extinctif avant la présentation des demandes reconventionnelles, celles-ci étaient donc irrecevables.

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LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N°22  – 29 MAI 2017

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck

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