EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION SOCIALE N° 10. 10 MARS 2020
POINTS CLÉS –> Le 28 février 2020, Le ministère des Solidarités et de la santé et le ministère du Travail ont conjointement publié un « questions-réponses » afin d’organiser la prévention du risque d’épidémie de coronavirus ->La gestion du droit de retrait par l’employeur en cas d’épidémie y est abordée -> Ce questions-réponses appelle toutefois des précisions complémentaires

Camille-Frédéric Pradel, docteur en droit, avocat au barreau de Paris
Perle Pradel-Boureux, docteur en droit, avocat au barreau de Paris
Virgile Pradel, docteur en droit, avocat au barreau de Paris
LA LOI n° 82-1097 du 23 décembre 1982 a reconnu à tout travailleur un droit d’alerte et de retrait, face à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Ce droit est individuel et non collectif.Ce droit est invoqué dans une situation de travail. Il ne saurait donc être exercé avant la prise de poste. La situation de crise liée au risque d’épidémie de coronavirus constitue en France métropolitaine une configuration nouvelle qui n’avait pas été rencontrée depuis l’adoption du texte. La spécificité de ce risque épidémiologique devra être prise en compte pour apprécier la validité de l’exercice du droit d’alerte et de retrait.
- Gestion du droit d’alerte
La loi distingue l’alerte donnée par le travailleur et celle donnée
par un représentant du personnel :
- le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection (C. trav., art. L. 4131-1) ;
- le représentant du personnel au comité social et économique qui constate qu’il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, en alerte immédiatement l’employeur (C. trav., art. L. 4131-2).
Il est indispensable que l’employeur identifie précisément une telle alerte à propos du risque d’épidémie de coronavirus.Que l’employeur l’estime fondée ou non, le Code du travail organise des actions précises qui doivent impérativement être mises en oeuvre. À défaut, l’employeur engagerait potentiellement sa responsabilité civile,et même pénale,par le délit d’entrave. En outre, le bénéfice de la faute inexcusable est de droit si un sinistre professionnel (AT/MP) survenait alors qu’une telle alerte a été donnée, sans réponse adéquate de l’employeur (C. trav., art. L. 4131-4).
A. – Alerte du représentant du personnel
Lorsque le représentant du personnel au CSE alerte l’employeur, il consigne son avis par écrit (C. trav., art. L. 4132-2) dans un registre d’alerte dédié (C.trav.,art. D. 4132-1).L’employeur procède immédiatement à une enquête avec le représentant du CSE qui lui a signalé le danger et prend les dispositions nécessaires pour y remédier. Nous conseillons à l’employeur de formaliser brièvement par écrit la teneur de cette enquête et d’inviter le représentant du personnel à co-signer ce document. En cas d’accord sur les dispositions prises, au regard de la place que prend cette question dans l’espace médiatique, nous conseillons à l’employeur de réunir le CSE au sujet de l’alerte donnée. Il s’agit d’assurer une véritable transparence face à un sujet grave qui concerne l’ensemble de la communauté de travail. La légitimité de l’évaluation du risque et des mesures déployées en sera renforcée.Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE est en outre réuni « à la suite de tout accident ayant entraîné ou ayant pu entraîner des conséquences graves, ainsi qu’en cas d’événement grave lié à l’activité de l’entreprise, ayant porté atteinte ou ayant pu porter atteinte à la santé publique ou à l’environnement » (C. trav., art. L. 2315-27).

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AUTEUR(S) : Bernard Teyssié, Jean-Denis Combrexelle, Jean-Yves Frouin, François Favennec-Héry, Bernard Gauriau, Pierre-Yves Verkindt