Extrait de la Semaine Juridique Edition Générale
Et un « Grenelle » de plus, un !
« Prévisibilité de la norme : c’est au législateur de l’assurer en édictant des normes accessibles et intelligibles, et sans les empiler à un rythme effréné. »
Le XXI e siècle sera celui des « Grenelles » ou ne sera pas ! Après les Grenelles de la santé, de l’environnement, de l’insertion, de l’audiovisuel, de la formation, du très haut débit, de la mer, des ondes et de la sécurité urbaine, place au Grenelle du Droit, qui s’est tenu au mois de novembre dernier, en présence du gratin des juristes de toutes obédiences ! L’objet de ce Grenelle de plus était, notamment, de réfléchir sur la compétitivité du droit et sur la possibilité d’une grande filière du droit. Missions difficiles, mais pas impossibles, si on s’en réfère aux débats qui ont émaillé cette grande messe juridique. Quant à la compétitivité du droit, l’enjeu est de renforcer l’attractivité économique de la France, pas moins !!! Dans cette ambitieuse perspective, diverses idées ont été émises : d’abord, améliorer la fabrique de la norme juridique, ce qui implique qu’elle ne soit pas l’oeuvre exclusive des juristes et que les acteurs économiques y contribuent, et qu’elle soit plus prévisible. Mais n’en est-il pas déjà souvent ainsi ? La norme est plus souvent conçue à Berçy que Place Vendôme et, par conséquent, son efficacité économique est fatalement intégrée lors de sa conception. Quant à sa prévisibilité, c’est au législateur de l’assurer en édictant des normes accessibles et intelligibles, et sans les empiler à un rythme effréné. Un intervenant a aussi proposé la création de grandes écoles de droit à l’image des grandes écoles de commerce. On éprouve un peu de difficultés à comprendre en quoi de tels établissements financièrement sélectifs et socialement discriminatoires contribueraient à la progression de la compétitivité du droit français. Quant à la création d’une grande filière unie du droit, l’idée part du constat que les professionnels du droit, unis sur les bancs de l’université dans leurs jeunes années, se séparent par la suite en raison de leurs parcours professionnels divergents, alors qu’ils évoluent dans un environnement unique. Certes, mais les passerelles existent déjà : les avocats peuvent rejoindre le corps des magistrats, les notaires peuvent devenir avocats, on ne compte plus les universitaires qui rejoignent des juridictions ou, surtout, des cabinets d’avocats, malgré la réticence de ces derniers à maintenir la passerelle qui leur permette de prêter serment sans autre forme de procès… Créer des formations communes, encourager la formation continue des juristes, privilégier tout au long de leur apprentissage le raisonnement et l’esprit critique sur l’accumulation de connaissances, les inciter à renforcer la maîtrise des langues et à sortir des frontières étroites du droit pour devenir des juristes dignes de ce nom, voilà qui suscite indiscutablement l’adhésion. Qui pourrait être contre ce qui relève du bon sens le plus élémentaire ? Simplement, nombre de ces propositions resteront lettre morte si les moyens ne suivent pas et si l’État continue de se montrer aussi pingre à l’égard des universités qui ont en charge la plupart de ces missions. Persiflage et immobilisme de professeur aigri face au jaillissement d’idées émises par des juristes de bonne volonté, que tout cela ? Plutôt l’expression d’une méfiance face à ces grands « machins », souvent porteurs de promesses sans lendemain. Puis-je, comme souvent, me tromper !
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© LEXISNEXIS SA – LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 50 – 11 DÉCEMBRE 2017
LA SEMAINE JURIDIQUE EDITION GENERALE
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AUTEUR(S) :
N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck