LexisNexis vous propose ci-dessous un extrait du « Guide du jeune avocat 2017 »
I – Aperçu rapide
A – Éléments clés
475 Assister la partie civile lors de l’audience correctionnelle suppose d’avoir à l’esprit la double dimension que comporte l’action de la victime devant les juridictions répressives :
– une dimension civile : l’objectif premier de l’action civile de la victime d’une infraction est d’obtenir l’indemnisation du préjudice matériel, corporel et/ou moral causé par l’infraction ;
– une dimension pénale : l’objectif second de l’action de la victime devant les juridictions pénales est, selon les expressions consacrées par la jurisprudence, de « corroborer l’action publique », « d’obtenir que soit établie la culpabilité du prévenu », « de faire établir l’existence de l’infraction » ou de « parvenir à la manifestation de la vérité ».
En conséquence, la victime est recevable à se constituer partie civile même si, désirant uniquement étayer l’accusation, elle ne sollicite pas de dommages et intérêts (CPP, art. 418).
Pour autant, le rôle de la partie civile diffère de celui du ministère public dans le sens où il n’appartient pas à son conseil de requérir sur la peine.
Néanmoins, en pratique, il sera fait exception à cette règle chaque fois que l’avocat de la partie civile estime que la peine susceptible d’être prononcée peut intégrer une mesure relative à la victime, à savoir :
– obligation d’indemniser la partie civile dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve (SME) ;
– interdiction d’entrer en relation avec la partie civile dans le cadre d’un SME ;
– peine de sanction- réparation…
Qu’il y ait eu une information judiciaire ou une simple enquête préliminaire ou de flagrance, l’audience correctionnelle constitue généralement un moment crucial, à la fois attendu, redouté et anxiogène pour la partie civile, pour plusieurs raisons :
– crainte du face à face avec le prévenu ;
– méconnaissance du déroulement d’une audience ;
– crainte d’avoir à s’exprimer publiquement.
Afin de désamorcer ces craintes et d’aborder l’audience avec sérénité, il importe de faire preuve de pédagogie en :
– expliquant au client le déroulement chronologique de l’audience ;
– expliquant les rôles de chaque protagoniste ;
– donnant connaissance du contenu du dossier pénal ;
– rappelant les déclarations faites durant l’enquête ou l’instruction ;
– le préparant à subir les attaques de la partie adverse et à être discrédité ;
– anticipant les questions susceptibles d’être posées par le tribunal, le parquet et la partie adverse.
La peine n’a pas pour fonction de réparer le préjudice des victimes.
Néanmoins, le nouvel article 130-1 du Code pénal, issu de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014, dispose désormais :
« Afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonction :
1° de sanctionner l’auteur de l’infraction ;
2° de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion ».
L’article 10-1 du Code de procédure pénale, issu de cette même loi, prévoit qu’une mesure de justice restaurative peut être proposée à la victime et à l’auteur de l’infraction à tous les stades de la procédure, dès lors que les faits sont reconnus par la personne poursuivie (CPP, art. 10-1).
B – Textes
• CPP, art. 10-1, 10-3, 388-4, 388-5, 391, al. 2, 394, al. 4, 400, 407, 408, 418, 420-1, 422, 424, 425, 426, 435, 442-1, 460-1, 464, 470-1, 475-1, 498, 500, 502, 515-1, 550, 552, D. 594-13, D. 594-14 et D. 594-15.
• C. pén., art. 130-1.
II – Préparation
A – Informations à recueillir auprès du client
476 • Qu’attend- il de cette audience (indemnisation et/ou condamnation pénale du prévenu) ?
• Souhaite- t-il se constituer partie civile ?
• Souhaite- t-il être présent à l’audience ou représenté ?
• Quel est son point de vue sur les déclarations du prévenu ?
• Quel est son point de vue sur les autres déclarations et pièces du dossier ?
• Estime- t-il opportun de faire citer des témoins ?
• Son préjudice peut- il être définitivement fixé ?
• Dispose- t-il de pièces médicales de nature à justifier un préjudice corporel ?
• Dispose- t-il de factures justifiant un préjudice matériel ?
• Dispose- t-il de documents justifiant un préjudice économique (pertes de salaires, etc.) ?
B – Inventaire des solutions et éléments de décisions
1 – Avantages et inconvénients de la constitution de partie civile
a) Avantages
477 • Ce statut ouvre à la victime de l’infraction une série de droits que n’a pas la victime non constituée :
– droit de demander des dommages et intérêts ;
– droit d’être assistée ou représentée par un avocat à l’audience ;
– droit d’interjeter appel de la décision sur l’action civile ;
– droit de demander le huis clos (cette demande est soumise à l’appréciation du tribunal qui peut la refuser. – CPP, art. 400) ;
– droit pour son avocat de poser directement des questions au prévenu, à la partie civile, aux témoins et à toute personne appelée à la barre (CPP, art. 442-1, al. 1) ;
– droit pour la partie civile non assistée de poser des questions aux mêmes personnes par l’intermédiaire du président (CPP, art. 442-1, al. 2) ;
– droit de faire citer des témoins ;
– droit à un interprète en langue étrangère ou en langue des signes (CPP, art. 10-3, 407, 408, D. 594-13, D. 594-14, D. 594-15) ;
– la victime non constituée a toutefois droit à la traduction de l’avis d’audience (CPP, art. 391, al. 2).
• La victime constituée partie civile ne peut plus être entendue comme témoin (CPP, art. 422, al. 1) :
– elle ne prête pas serment de dire la vérité ;
– elle ne peut pas être condamnée pour faux témoignage;
– elle n’a pas à se retirer dans la chambre des témoins et assiste donc à l’intégralité des débats ;
– elle ne peut pas être condamnée à une amende si elle refuse de s’exprimer ou de comparaître ;
– en matière de diffamation, la vérité des faits diffamatoires ne peut plus être fondée sur des éléments de preuve apportés par le plaignant.
• Aspects pécuniaires avantageux :
– assimilation de la partie civile au témoin en ce qui concerne le paiement des indemnités, sauf décision contraire du tribunal (CPP, art. 422, al. 2) ;
– possibilité de faire condamner l’auteur de l’infraction ou la personne condamnée civilement en application de l’article 470-1 à payer à la partie civile les frais non payés par l’État et exposés par elle, dont les honoraires d’avocat (CPP, art. 475-1) ;
– possibilité de bénéficier de l’aide juridictionnelle (L. n° 91-647, 10 juill. 1991, art. 3).
b) Inconvénients
478 • Si la victime s’est constituée par voie de citation directe et si la personne citée a été relaxée, le tribunal correctionnel peut la condamner à une amende civile si le parquet prend des réquisitions en ce sens et si la citation directe présente un caractère abusif (CPP, art. 392-1) ;
• La victime ayant procédé à une citation directe abusive peut être condamnée à verser des dommages et intérêts au prévenu relaxé (CPP, art. 472).
2 – Avantages et inconvénients de la communication du dossier au client
479 • Dès lors que l’affaire est audiencée et que l’information judiciaire est close, la communication du dossier pénal au client victime est totalement libre. Aucune autorisation de doit être requise préalablement à la communication. La victime qui n’a pas d’avocat peut se faire délivrer copie du dossier par le greffe (CPP, art. 388-4, issu de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014).
• Toutefois, l’avocat doit être vigilant et ne communiquera pas l’intégralité du dossier s’il estime qu’il y a des risques en termes de :
– représailles ;
– pressions sur des parties ou des témoins ;
– choc pour la victime qui prendrait brutalement connaissance de certaines déclarations ou pièces (autopsies, photos d’accident, etc.).
Conseil : • Le cas échéant, rédiger une synthèse que l’on remet au client, au besoin avec la copie de certains procèsverbaux soigneusement sélectionnés, étant rappelé que les PV d’audition contiennent les adresses et coordonnées téléphoniques des intéressés.
• Toujours donner connaissance au client, peu avant l’audience, du contenu de ses propres déclarations, qui ont pu être faites plusieurs années auparavant et dont la teneur a pu être oubliée. À défaut, la partie civile risque de ne plus être très précise dans ses déclarations à l’audience ou même de se contredire, ce qui pourrait être exploité par la défense.
3 – Avantages et inconvénients de la présence du client à l’audience
a) Non comparution volontaire et représentation à l’audience
480 Si la partie civile n’est pas apte à affronter l’audience, lui rappeler que sa présence n’est pas obligatoire et qu’elle peut être représentée par son avocat, sans que ce dernier ait besoin de justifier d’un mandat écrit (CPP, art. 424).
En pratique, le conseil devra apprécier, au regard de la teneur du dossier pénal, l’intérêt que peut présenter la présence et l’audition de la partie civile à l’audience.
b) Non- comparution et absence de représentation
481 • Principe : la partie civile régulièrement citée qui ne comparaît pas ou n’est pas représentée à l’audience est considérée comme se désistant de sa constitution de partie civile (CPP, art. 425).
Guide du jeune avocat 2017
Auteurs :
Sous la direction d’Emmanuel PIERRAT, avocat au barreau de Paris, et la coordination de Lucile BERTIER, avocat au barreau de Paris.
Collectif LexisNexis