[Guide du jeune avocat 2017] Contester un arrêt d’une cour administrative d’appel

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LexisNexis vous propose ci-dessous un extrait du « Guide du jeune avocat 2017 »

 

I – Aperçu rapide

A – Caractéristiques générales

 

Attention : Depuis le 1er janvier 2014, la contribution de 35 euros est supprimée (L. n° 2013-1728, 29 déc. 2013, art. 128).

 

1478 Les arrêts rendus par les cours administratives d’appel peuvent toujours faire l’objet d’un pourvoi en cassation en application du principe général du droit dégagé par le Conseil d’État (CE, ass., 7 févr. 1947, D’Aillères : Rec. CE 1947, p. 50).
Toutefois, le pourvoi en cassation ne constitue pas la seule voie de recours contre les arrêts rendus par les cours. Le Code de justice administrative (CJA) a ainsi prévu toute une série de voies de recours contre ces décisions : l’opposition, le recours en rectification d’erreur matérielle de droit commun, le recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle non susceptible d’avoir exercé une influence sur le jugement de l’affaire, et la tierce opposition.

Normalement, ces voies de recours sont dirigées contre les arrêts rendus par les cours en leur qualité de juge d’appel des jugements rendus par les tribunaux administratifs. Il faut toutefois noter que trois réformes récentes du Code de justice administrative ont doté les cours d’une compétence de premier ressort.

Ces dispositions n’ont aucun impact sur les voies de recours contre ces arrêts rendus en premier ressort qui restent la cassation et les autres voies de recours étudiées et non pas un appel devant le Conseil d’État.

La première, issue du décret n° 2012-1130 du 5 décembre 2012, a fait de la cour administrative d’appel de Paris la juridiction compétente pour connaître en premier et dernier ressort des recours dirigés contre les arrêtés du ministre chargé du travail relatifs à la représentativité des organisations syndicales, pris en application de l’article L. 2122-11 du Code du travail.

La deuxième, issue du décret n° 2013-730 du 13 août 2013, modifié par le décret n° 2015-268 du 10 mars 2015, confie désormais aux cours une compétence de premier ressort pour connaître des litiges relatifs, d’une part, aux décisions prises par la Commission nationale d’aménagement commercial en application de l’article L. 752-17 du Code de commerce et, d’autre part, aux décisions prises par la Commission nationale d’aménagement cinématographique en application de l’article L. 212-10-3 du Code du cinéma et de l’image animée.

La dernière, issue du décret n° 2016-9 du 8 janvier 2016 et codifiée à l’article R. 311-4, prévoit une compétence en premier et dernier ressort de la cour administrative d’appel de Nantes pour des litiges portant sur une quinzaine de décisions relatives aux installations de production d’énergie renouvelable en mer et leurs ouvrages connexes, pour des litiges portant sur une dizaine de décisions relatives aux ouvrages des réseaux publics d’électricité dont au moins une partie est située en mer, jusque et y compris aux premiers postes de raccordement à terre et pour des litiges portant sur cinq décisions relatives aux infrastructures portuaires rendues nécessaires pour la construction, le stockage et le pré- assemblage des installations mentionnées aux I et II du présent article ainsi qu’aux opérations de transport et de dragage connexes.

L’opposition (CJA, art. R. 831-1 et s.) est la voie de recours ouverte à la partie défaillante contre les décisions rendues par défaut, et doit être introduite devant la cour administrative d’appel qui a rendu l’arrêt contesté. Cette voie de recours repose sur le respect du principe du contradictoire, et dont il importe que la violation puisse être corrigée par la juridiction qui ne l’a pas respecté (CJA, art. L. 5).

La tierce opposition (CJA, art. R. 832-1 et s.) est dans notre hypothèse la voie de droit ouverte aux personnes qui veulent s’opposer à une décision juridictionnelle rendue par une cour administrative d’appel, sans que ces personnes, ou leurs représentants, aient été mis en cause. Cette voie de recours, comme l’opposition, repose sur le respect du principe du contradictoire et dont la violation doit être corrigée par la juridiction qui ne l’a pas respecté (CJA, art. L. 5). Le recours en tierce opposition doit être introduit devant la cour administrative d’appel qui a rendu l’arrêt contesté.

Le recours en rectification d’erreur matérielle de droit commun (CJA, art. R. 833-1 et s.) a pour objet de faire rectifier dans une décision ou ordonnance, par la juridiction qui l’a rendue, une erreur matérielle qui est susceptible d’avoir exercé une influence sur le jugement de l’affaire.

Le recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle non susceptible d’avoir exercé une influence sur le jugement de l’affaire (CJA, art. R. 741-11) était une voie de recours ouverte uniquement devant les tribunaux administratifs. Il vient d’être ouvert devant les cours administratives d’appel (D. n° 2010-164, 22 févr. 2010, art. 30).

Le recours en cassation (CJA, art. R. 821 et s.) constitue, pour les parties régulièrement mises en cause et ayant régulièrement produit au cours de l’instance, la véritable voie de recours contre les arrêts rendus par les cours administratives d’appel. Il constitue une voie de rétractation consistant à faire contrôler un jugement rendu en dernier ressort.

Il faut enfin faire état d’une dernière voie qui n’est pas à proprement parler une voie de recours : le recours en interprétation. Ce recours permet aux parties de demander au juge qui l’a rendu « d’interpréter » un jugement qui comporterait une obscurité ou une ambiguïté.

 

B – Conditions d’utilisation

1 – Conditions d’utilisation du recours en opposition

1479 Le recours en opposition suppose de remplir deux conditions (CJA, art. R. 831-1). Une condition positive et une condition négative :

– il faut que la partie en cause n’ait pas produit de défense en forme régulière (jugement rendu par défaut) ;

– il ne faut pas que la décision ait été rendue contradictoirement avec une partie qui a le même intérêt que la partie défaillante.

 

2 – Conditions d’utilisation du recours en tierce opposition

1480 Trois conditions cumulatives sont nécessaires (CJA, art. R. 832-1). Le tiers opposant :

– ne doit jamais avoir été mis en cause ;

– ne doit pas avoir été représenté à l’instance ;

– doit faire valoir un droit lésé.

 

3 – Conditions d’utilisation du recours en rectification d’erreur matérielle de droit commun

1481 Il s’agit d’une voie de droit subsidiaire qui n’est ouverte que lorsque le requérant ne dispose d’aucun autre moyen que cette voie de rétractation pour obtenir satisfaction.

De plus, la décision contestée doit avoir été rendue par une juridiction statuant en dernier ressort, et il faut ici un texte pour permettre qu’il en soit de même pour les décisions rendues par une juridiction et qui sont susceptibles d’appel ou d’un pourvoi en cassation.

Un tel recours peut aussi être introduit à l’encontre des ordonnances rendues par les présidents de cours administratives d’appel (CAA Nantes, 13 nov. 1991, n° 91NT00486 : JurisData n° 1991-049755). Il peut être également introduit contre une ordonnance prise par un juge des référés (CE, 3 mai 2004, n° 258085 : JurisData n° 2004-066781). En revanche, il ne peut être introduit contre une décision non juridictionnelle, par exemple, une ordonnance de taxation des honoraires d’un expert (CE, 4 mars 1998, n° 169942 : JurisData n° 1998-050038).

Le juge ne va faire droit à la demande de rectification qu’à une triple condition. L’erreur matérielle alléguée :

– ne doit pas émaner du requérant lui- même ;

– doit être matérielle et non juridique ;

– doit être susceptible d’avoir exercé une influence sur le jugement de l’affaire.

 

4 – Conditions d’utilisation du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle non susceptible d’avoir exercé une influence sur le jugement de l’affaire

1482 Deux conditions cumulatives doivent être remplies (CJA, art. R. 741-11). Il faut :

– d’une part, que la décision soit entachée « d’une erreur ou d’une omission matérielle non susceptible d’avoir exercé une influence sur le jugement de l’affaire » ;

– d’autre part, que le président de la cour administrative d’appel puisse y « apporter (…) les corrections que la raison commande ».

 

 

5 – Conditions d’utilisation du recours en cassation

1483 Le recours en cassation est ouvert de plein droit contre toutes les décisions juridictionnelles rendues par les juridictions de l’ordre juridictionnel administratif et notamment les arrêts rendus par les cours administratives d’appel (CE, ass., 7 févr. 1947, n° 79128, D’Aillères : Rec. CE 1947, p. 50).

Contrairement aux autres voies de recours contre les arrêts des cours, les dispositions du Code de justice administrative ne posent aucune condition de fond pour pouvoir introduire un pourvoi en cassation. Les seules conditions posées sont relatives au délai (CJA, art. R. 821-1) et au ministère d’avocat au Conseil d’État (CJA, art. R. 821-3).

Toutefois, le Conseil d’État virent de préciser que si, en vertu des règles générales de la procédure, le recours en cassation n’est recevable que contre une décision définitive à l’égard de laquelle aucune autre voie de recours et, notamment, celle de l’opposition, ne reste ouverte, les personnes à l’égard desquelles une cour administrative d’appel a statué par défaut ne sont ainsi recevables à se pourvoir en cassation contre l’arrêt les concernant qu’après l’expiration du délai de deux mois ouvert, en application de l’article R. 831-2 du Code de justice administrative, pour former opposition contre l’arrêt rendu, ou, lorsqu’elles ont introduit un recours en opposition, que lorsqu’il a été statué sur ce recours. Toutefois, le pourvoi en cassation formé prématurément par l’une de ces personnes peut se trouver régularisé par l’expiration du délai d’opposition contre cet arrêt (CE, 6 avr. 2016, n° 389456, Cne Fontvieille).

 

C – Avis du professionnel

1484 Il convient de bien connaître ces différentes voies de recours, car il existe parfois un choix entre ces diverses procédures (entre recours en opposition, en rectification d’erreur matérielle et cassation).

Enfin, il ne faut pas oublier que l’office du Conseil d’État juge de cassation diffère sur de nombreux points de l’office d’un juge d’appel, la cassation ne constituant pas une troisième voie de recours de droit commun.

En effet, elle constitue une voie de recours particulière. D’une part, elle obéit à des règles procédurales différentes ; d’autre part, et surtout, l’office du juge de cassation est fondamentalement différent de celui du juge d’appel tant au regard des moyens pouvant être invoqués qu’à l’intensité  du contrôle exercé.

 

D – Textes

• CJA, art. R. 831-1 à R. 831-6 (recours en opposition).

• CJA, art. R. 832-1 à R. 832-5 (tierce opposition).

• CJA, art. R. 833-1 et R. 833-2 (recours en rectification d’erreur matérielle de droit commun).

• CJA, art. R. 741-11 (recours en rectification contre une erreur ou une omission matérielle non susceptible d’avoir exercé une influence sur le jugement de l’affaire).

• CJA, art. L. 821-1, L. 821-2, L. 822-1, R. 821-1 et R. 821-2 à R. 821-6 (recours en cassation).

• CJA, art. R. 311-2, R. 311-3 et R. 311-4 (compétence de premier ressort).

 

E – Schéma procédural

1 – Schéma procédural de l’opposition

1485 • Notification de la décision rendue par défaut

• Possibilité de former dans le délai de recours une demande d’aide juridictionnelle.

• Nécessité d’introduire la requête introductive d’instance avant l’expiration du délai de recours contentieux (possibilité de ne déposer qu’une requête sommaire).

• Dépôt du mémoire ampliatif (ou renoncement à produire celui- ci) avant l’expiration du délai imparti.

• Régularisation de la ou des mises en demeure envoyées par le greffe de la chambre.

• Instruction du recours en opposition.

• Convocation des parties à l’audience au cours de laquelle l’affaire sera jugée.

• Possibilité de connaître le sens des conclusions du rapporteur public.

• Jugement de l’opposition.

• Si l’opposition est admise, annulation de la décision et reprise de l’instruction.

• Nouveau jugement rendu à la suite de cette nouvelle instruction.

 

2 – Schéma procédural de la tierce opposition

1486 Il faut distinguer selon que la décision contestée ait ou non fait l’objet d’une notification car les règles en matière de délai sont différentes.
Il faut toutefois noter que le second cas est de très loin le plus fréquent.

a) En cas de notification de la décision contestée

1487 • Notification de la décision rendue par défaut.

• Possibilité de former dans le délai de recours une demande d’aide juridictionnelle.

 

• Nécessité d’introduire la requête introductive d’instance avant l’expiration du délai de recours contentieux (possibilité de ne déposer qu’une requête sommaire).

• Dépôt du mémoire ampliatif (ou renoncement à produire celui- ci) avant l’expiration du délai imparti.

• Régularisation de la ou des mises en demeure envoyées par le greffe de la chambre.

• Instruction, le cas échéant, de la requête.

• Convocation des parties à l’audience au cours de laquelle l’affaire sera jugée.

• Possibilité de connaître le sens des conclusions du rapporteur public.

• Jugement de la tierce opposition et, si elle est fondée, nouveau jugement de l’affaire.

 

b) En l’absence de notification de la décision

1488 • Possibilité de former une demande d’aide juridictionnelle.

• Rédaction de la requête introductive d’instance (possibilité de ne déposer qu’une requête sommaire).

• Dépôt du mémoire ampliatif (ou renoncement à produire celui- ci) avant l’expiration du délai imparti.

• Régularisation de la ou des mises en demeure envoyées par le secrétariat du contentieux.

• Instruction, le cas échéant, de la requête.

• Convocation des parties à l’audience au cours de laquelle l’affaire sera jugée.

• Possibilité de connaître le sens des conclusions du rapporteur public.

• Jugement de la tierce opposition et, si elle est fondée, nouveau jugement de l’affaire.

 

3 – Schéma procédural du recours en rectification d’erreur matérielle de droit commun

1489 • Notification de la décision entachée d’erreur matérielle.

• Possibilité de former dans le délai de recours une demande d’aide juridictionnelle.

• Nécessité d’introduire la requête introductive d’instance avant l’expiration du délai de recours contentieux (possibilité de ne déposer qu’une requête sommaire).

• Dépôt du mémoire ampliatif (ou renoncement à produire celui- ci) avant l’expiration du délai imparti.

• Régularisation de la ou des mises en demeure envoyées par le secrétariat du contentieux.

• Instruction, le cas échéant, de la requête.

• Convocation des parties à l’audience au cours de laquelle l’affaire sera jugée.

• Possibilité de connaître le sens des conclusions du rapporteur public.

• Jugement du recours en rectification d’erreur matérielle et, s’il est fondé, nouveau jugement de l’affaire.

 

4 – Schéma procédural du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle non susceptible d’avoir exercé une influence sur le jugement de l’affaire

1490 Il faut distinguer deux procédures parallèles.

La première est à l’initiative du président de la cour administrative d’appel (le plus souvent, l’attention du président est appelée par un des membres de la formation de jugement s’apercevant d’une erreur ou d’une omission matérielle une fois la décision lue). Dans ce cas de figure, le requérant n’étant pas en cause, il n’a aucune procédure à engager.

La seconde est à l’initiative du requérant et consiste à demander au président de rectifier une telle erreur :

– notification de la décision entachée d’erreur matérielle ;

– saisine du président de la cour administrative d’appel par lettre motivée et le plus rapidement possible ;

– ordonnance du président de la cour administrative d’appel statuant dans un délai maximum d’un mois à compter de la notification de la décision contestée, sous peine de dessaisissement ;

– notification de l’ordonnance du président apportant la correction demandée.

 

5 – Schéma procédural du recours en cassation

1491 • Notification de l’arrêt de la cour administrative d’appel

• Possibilité de former dans le délai de recours une demande d’aide juridictionnelle.

• Nécessité d’introduire la requête introductive d’instance avant l’expiration du délai de recours contentieux (possibilité de ne déposer qu’une requête sommaire).

• Dépôt du mémoire ampliatif (ou renoncement à produire celui- ci) avant l’expiration du délai imparti.

• Régularisation de la ou des mises en demeure envoyées par le secrétariat du contentieux.

• Instruction par le président de la sous- section de la recevabilité et du bien- fondé du pourvoi :

– rejet du recours par simple ordonnance ;

– ou admission du pourvoi ;

– ou attribution du dossier à un rapporteur, puis à un rapporteur public en vue d’une audience collégiale publique.

• Convocation des parties à l’audience au cours de laquelle l’affaire sera jugée.

• Possibilité de connaître le sens des conclusions du rapporteur public.

• Admission ou non- admission du pourvoi.

• Instruction de l’affaire si elle est admise, soit directement, soit à la suite de la procédure juridictionnelle d’admission.

• Convocation des parties à l’audience au cours de laquelle l’affaire sera jugée.

• Possibilité de connaître le sens des conclusions du rapporteur public.

 

Guide du jeune avocat 2017

Guide du jeune avocat 2017

Auteurs : Sous la direction d’Emmanuel PIERRAT, avocat au barreau de Paris, et la coordination de Lucile BERTIER, avocat au barreau de Paris.
Collectif LexisNexis

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