La Semaine Juridique Edition Générale n°15
LA SEMAINE DU DROIT LES ACTEURS
Louis Bach
Le doyen Louis Bach a profondément marqué la faculté de droit de Caen et renouvelé l’approche des conflits de lois dans le temps.
Louis Bach naquit le 19 juillet 1930 et sa jeunesse se déroula, pour l’essentiel en Algérie, à Port-Guédon, ce pays perdu qui fait des Français d’Algérie, bien plus des expatriés que des rapatriés. C’est en 1959 qu’il soutint, devant la faculté de droit de Paris sa thèse de doctorat dirigé par Robert Le Balle dont il aimait à souligner la grande proximité d’avec ses élèves. Au tournant de la décolonisation, il part (avec d’autres dont M. Michel Pédamon) à Madagascar pour quatre années (1960- 1964) comme chargé de cours. À son retour, il est assistant à la faculté de Paris puis maître-assistant (1965-1970) avant de rejoindre la nouvelle université de Paris XI entre 1971 et 1976. Cette dernière année, il est choisi maître de conférences par l’université de Caen. C’est là qu’il écrira un très long article sur les fondements de la responsabilité civile, qui, fait plutôt rare, sera publié en deux numéros successifs à la Revue trimestrielle de droit civil. Cette véritable « seconde thèse » sera pour beaucoup dans l’accession au professorat en 1980, dans cette faculté qu’il ne quittera en 1995, que pour accéder à l’éméritat. Peu après, il est élu, puis réélu, doyen avant de céder la place à Jacques Héron envers lequel le liait une estime qui fut la matière d’une amitié forte et dense. Mais le travail auquel tenait le plus Louis Bach était sa rubrique « Conflits de lois dans le temps » au Répertoire civil Dalloz. Ce fut à cette occasion qu’il revisita la célèbre théorie de Roubier qui avait valeur canonique. Ainsi contribua-t-il à faire passer dans la doctrine l’idée que l’application générale de la loi devait se distinguer, notablement, de la non-rétroactivité : concept positif prenant le pas sur un autre purement négatif. C’est à partir de ce travail de rénovation que Jacques Héron, à son tour, élabora l’idée de la distinction entre rétroactivité et rétrospectivité. Nul ne peut, aujourd’hui ignorer ce véritable progrès dans l’analyse de l’application temporelle des normes.
Titulaire du cours d’introduction au droit et de celui de droit civil, en première année, le doyen Bach eut ainsi, dans le bel amphi Pierre-Daure de l’université reconstruite en 1957, deux décennies d’étudiants normands dont beaucoup encore conservent le fameux polycopié qu’il avait introduit à l’image des « cours de droit » de la rue Saint-Jacques. Il était un professeur doucement exigeant, à commencer par ses assistants qu’il réunissait très régulièrement. Son autorité auprès des étudiants était exempte de toute crainte ; la colère était pour lui le propre même du dérèglement du caractère d’un enseignant, la subissant parfois de ceux qui attendent d’un doyen qu’il agisse mais sous la réserve de ne toucher à rien, il donnait l’exemple d’en être immunisé de naissance ; il savait décider mais sans trancher arbitrairement ; il corrigeait sans sanctionner ; un de ces artisans de paix qui réussissent parce qu’ils sont modestes quant à leur personne non quant à leur idéal. Il y a trois ans, un grave accident cardio-vasculaire le surprit dans la maison familiale de vacances du Lot (ce Lot où se déroulèrent pendant 20 ans de multiples péripéties des cas pratiques de droit des biens et des personnes). Le destin lui interdit de revenir à Caen. Son épouse, ses trois fils, plus spécialement l’un d’eux resté à ses côtés, connurent l’épreuve de la maladie et de la dépendance. Le 25 mars dernier, au sens exact du mot, il s’est endormi. Ses obsèques furent célébrées à Albas, alors que le printemps revêtait les vignes de Cahors de lumière. Il entrait dans la paix des hommes de bonne volonté sur lesquels s’étend une antique bénédiction. Son coeur a toujours guidé son esprit. Sa mémoire est désormais dans le nôtre, ses assistants, ses collègues et ses étudiants de Normandie.
LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N°15 – 10 AVRIL 2017
La Semaine Juridique – Édition Générale
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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck