Incrimination de l’entrave numérique à l’IVG

La Semaine Juridique Edition Générale n°14

LA SEMAINE DU DROIT L’APERÇU RAPIDE

SANTÉ PUBLIQUE

Incrimination de l’entrave numérique à l’IVG 

À propos de la loi du 20 mars 2017

POINTS-CLÉS ➜  La loi n° 2017-347 du 20 mars 2017 rend l’entrave à l’IVG punissable lorsqu’elle est réalisée, par voie électronique ou en ligne, au moyen de la diffusion de renseignements trompeurs   Le Conseil constitutionnel a déclaré le nouveau texte conforme  à la Constitution, mais en posant deux réserves d’interprétation visant à sauvegarder la  liberté d’expression 

Stéphane Detraz, maître de conférences à l’université Paris Sud-XI, faculté Jean Monnet

1. Caractéristiques de l’entrave numérique à l’IVG
• Ratio legis. 
Le législateur a jugé nécessaire de redéfinir le délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), créé par la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993, en raison notamment de la prolifération de sites internet qui visent, par le mensonge et la désinformation, à dissuader les femmes enceintes susceptibles de se faire avorter légalement de recourir à l’intervention. Aussi bien l’article unique de la loi du 20 mars 2017 a-t-il réajusté l’article L. 2223-2 du Code de la santé publique en conséquence, en vue de réprimer l’entrave « numérique » (ou électronique) à l’IVG.
• Résultats et moyens.
A été conservée à cette fin l’architecture doublement binaire du délit, telle qu’elle résulte de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014. D’un côté, au titre du résultat, l’infraction peut consister ou bien à empêcher de pratiquer une IVG ou les actes préalables (entrave à l’intervention), ou bien à empêcher de s’informer sur une IVG ou sur lesdits actes (entrave à l’information). De l’autre, au titre des modalités d’action, l’entrave peut être soit matérielle (perturbation de l’activité), soit intellectuelle (pressions diverses).
• Ratione materiæ.
La loi n° 2017-347 du 20 mars 2017 est alors venue, en premier lieu, préciser les procédés illicites par lesquels une entrave matérielle ou – surtout – intellectuelle est susceptible de se commettre. Ainsi, le coupable peut aujourd’hui agir « par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, notamment par la diffusion ou la transmission d’allégations ou d’indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse » . A priori, l’ajout législatif est dénué de normativité véritable, puisque les locutions « par tout moyen » , « y compris » et « notamment » , par lesquelles sont introduites les nouveautés littérales, n’ont qu’une valeur confirmative ou illustrative. Il se pare ainsi d’une vertu interprétative, et pourrait dès lors, comme tel, être rétroactif. Toutefois, les dispositions nouvelles ne sont pas sans intérêt : elles impliquent que le juge ne peut dénier par principe aux moyens incriminés la propriété de faire obstacle à l’IVG, et confirment ainsi que l’entrave à l’information peut consister non seulement à mettre les intéressés dans l’impossibilité de s’informer, mais également à délivrer de fausses informations. Plus encore, elles confinent à la présomption légale d’entrave intellectuelle, en raison du soin apporté par le législateur
à la description des manigances.

• Élément matériel.
Sont ainsi visés, tout d’abord, l’emprunt d’une « voie électronique » ou l’action « en ligne », ce qui comprend notamment l’usage d’internet ou du téléphone. Il faut alors que soient colportés ou fournis par ces moyens des renseignements induisant en erreur, c’est-à-dire soit faux (qui sont inexacts), soit tendancieux (qui sont exacts mais égarent), et à la condition qu’ils portent sur « les caractéristiques ou les conséquences médicales » d’une IVG. Le texte exclut de la sorte les éventuels mensonges ou approximations concernant le contexte non technique ou médical de l’IVG ; il n’est donc pas possible de punir, notamment, ceux qui prétendraient que le foetus est « une personne » au même titre que l’enfant né ou que telle ou telle religion condamne l’avortement, à supposer de telles déclarations inexactes. À l’inverse, les suites « médicales » de l’IVG (temps de rétablissement, effets sur la fertilité, etc.) ne peuvent être présentées fallacieusement. L’adjectif en cause n’englobe pas, notamment, les considérations financières (remboursement, etc.) et juridiques (délais légaux, motifs admissibles, etc.), mais il ne semble pas s’appliquer au terme (…)

La suite de l’article dans La Semaine Juridique Édition Générale N°14, 3 Avril 2017 

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck

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