EXTRAIT DE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 22 – 28 MAI 2018 – © LEXISNEXIS SA
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PROCÉDURE LÉGISLATIVE
« La valorisation du rôle des partis ne dépend pas tant de changements institutionnels que de leur adéquation aux enjeux qui conditionnent
l’avenir de notre pays »
3 questions à Jean-Luc Warsmann, député des Ardennes, ancien président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, président du groupe de travail sur la réforme de la procédure législative
Le 4e Forum International sur la Constitution et les Institutions politiques (ForInCIP) organisé par le professeur Jean-Philippe Derosier, en partenariat avec LexisNexis, du 21 au 23 juin 2018 portera sur les Partis politiques. Pour contribuer à ce partenariat, la Rédaction Législation de LexisNexis sort, dans le cadre du Cahier législatif, un dossier consacré aux partis politiques et à l’élaboration de la loi (V. not. O. Pluen, Le rôle des partis politiques dans la conception de la loi : Cahier législatif n° 279, juillet 2018 ). Recueillir l’opinion d’un responsable politique qui a exercé les plus hautes responsabilités parlementaires lui a semblé incontournable.
Quels aspects du rôle des partis politiques dans la confection de la loi vous semblent significatifs aujourd’hui ?
Il faut bien convenir que la contribution à la confection de la loi des partis politiques en tant que tels demeure marginale. D’ailleurs, les élus ont généralement la faculté de conserver une sensible liberté à l’égard des partis ou des mouvements politiques dont ils sont membre dans l’exercice de leur mandat parlementaire.
Au fond, plus que de leur participation à la confection parlementaire de la loi, c’est de leur action en vue de l’échéance présidentielle que les partis politiques tirent, de nos jours, leur raison d’être, leur influence sur les débats et leur visibilité. Ils ont pour fonction essentielle de construire un programme cohérent, de déterminer une stratégie en vue de l’élection présidentielle, ainsi que de mettre en oeuvre des alliances lors des élections législatives.
C’est ainsi, comme l’écrit Pierre Avril, qu’« un parti ne peut conserver une existence autonome et mener une stratégie propre qu’à la condition de se situer dans une perspective présidentielle ».
En ce qui concerne le travail législatif, c’est avant tout et logiquement dans les groupes parlementaires que les partis politiques trouvent leurs transpositions.
Dans quelle mesure les partis exercent-ils une influence sur les groupes parlementaires au cours du processus législatif ?
Au cours du processus législatif, l’influence des partis politiques sur les groupes parlementaires demeure relativement faible.
Il convient d’ailleurs, à ce propos, de prendre en considération une évolution, qui a connu, à partir de 2017, une singulière accélération : il s’agit de l’affaiblissement des partis traditionnels. Le fait majoritaire, qui est la traduction de la prééminence exécutive, les éclipse actuellement, tandis que de nouveaux modes d’expression de l’opinion se font jour, à travers les actions collectives, l’essor du secteur associatif et la numérisation de l’expression sociale. Le rôle des partis se voit comme relativisé par une forme de volatilité de l’engagement. L’engagement demeure, mais n’est plus autant structuré par les appareils des partis traditionnels.
Dans les 24 propositions du groupe de travail sur l’amélioration de la procédure législative que vous avez présidé (V. Supplément au JCP G n° 9/10 du 26 février 2018, p. 6 ) aucune ne concerne le rôle des partis. Y aurait-t-il une réflexion à mener sur celui-ci en la matière ?
Je crois surtout qu’il ne faut pas se tromper sur le rôle qui revient aux partis dans la vie politique française. Il ne leur appartient pas, pour être clair, d’intervenir en tant que tels dans la procédure législative.
Distinguer les fonctions respectives des parlementaires et des partis ne signifie pas que ces derniers ne joueraient aucun rôle ou seraient inutiles.
Il est, du reste, parfaitement démocratique que les parlementaires, élus par le peuple, n’aient pas à s’en remettre systématiquement aux partis politiques pour l’exercice de leur mandat. De façon complémentaire, il est tout aussi démocratique que les partis et mouvements politiques s’investissent dans la préparation et la constitution d’un programme répondant aux attentes de la nation, en vue de l’élection présidentielle.
En ce sens, la valorisation du rôle des partis ne dépend pas tant de changements institutionnels, qui conduiraient à leur accorder une quelconque primauté ou à considérer qu’ils précèdent les institutions, que de leur adéquation aux enjeux qui conditionnent l’avenir de notre pays.
propos recueillis par Hervé Moysan, directeur de la Rédaction Législation LexisNexis JurisClasseur
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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck