Études
DROIT PÉNAL – REVUE MENSUELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR – OCTOBRE 2016
La prise en charge des victimes de terrorisme : un enjeu devenu majeur
Julie HOLVECK,
vice-procureur, section terrorisme et atteintes à la sûreté de l’État, parquet de Paris
Longtemps négligé, le sort des victimes de terrorisme est aujourd’hui au coeur de l’action des pouvoirs publics.
Marqué par les événements récents, le droit positif reflète désormais cette préoccupation.
1 – Pour Jacques Derrida, l’attentat du 11 septembre 2001 a changé « le rapport entre la terre, le territoire et la terreur ». Le terrorisme s’internationalise et ne concerne plus seulement des terres « lointaines ». Frappée dans son sanctuaire, la nation américaine découvre que la victime de terrorisme peut être un voisin, un collègue, un proche, bref une victime civile de proximité. L’événement peut se produire partout et à tout moment. Le constat est malheureusement tout aussi vrai en France en 2015 et 2016. L’horreur est d’autant plus palpable qu’elle touche un visage ami, un autre qui pourrait être soi.
2 – Le terrain du terrorisme se déplace, poussant le président de la République à déclarer : « la France est en guerre ». Cet état d’une exceptionnelle gravité devait naturellement recevoir une réponse législative ferme, que chaque nouvel attentat durcit encore. Le dispositif procédural et répressif de la lutte contre le terrorisme n’a donc jamais cessé d’être renforcé, particulièrement depuis 2015
3 – Cependant, la dimension répressive des textes n’est pas la seule à être réformée. La figure de la victime ayant envahi l’espace public, elle est devenue un enjeu médiatique, politique, social et par conséquent juridique. Inauguré par la loi du 9 septembre 1986 5, amendé par la loi du 23 janvier 1990 6, le dispositif de la prise en charge des victimes a été approfondi et complété. Trois circulaires successives 7 viennent synthétiser celui-ci et tentent de
l’améliorer. La circulaire du 12 novembre 2015 débute d’ailleurs par ces propos : « L’instruction tire les enseignements de lamise en application de l’instruction interministérielle » précédente « qui a constitué une première étape ». Elle est rédigée « à partir du retour d’expériences des différents acteurs ». Le pragmatisme est privilégié.
Les circulaires mettent en valeur les dimensions incontournables de ce dispositif : la chaîne des secours, la phase judiciaire et l’indemnisation des victimes. Par l’ampleur de l’acte, les services de secours se doivent d’intervenir le plus rapidement possible pour traiter le plus grand nombre de victimes. Il ne faut, cependant, pas que leur action gêne les acteurs de la chaîne judiciaire qui interviennent dans le même temps. Les besoins inhérents à l’intervention des secours doivent alors être conciliés avec les contraintes intrinsèques de la procédure judiciaire. Ce constat renforce la nécessité d’une coordination au plus haut niveau pour améliorer l’efficacité de la prise en charge immédiate des victimes de terrorisme. De même, l’indemnisation des victimes ne doit pas être négligée. Elle traduit le devoir de reconnaissance de la nation française à ses citoyens blessés dans leur chair et leur âme. Les réformes successives se sont, ainsi, attachées à approfondir et compléter le dispositif indemnitaire des victimes de terrorisme.
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AUTEUR(S) : Philippe Conte, Albert Maron, Jacques-Henri Robert