La smart city : portrait de la ville de demain

DOSSIER. – La smart city 

75 % de la population en ville en 2050

1er mai 2010, inauguration de l’exposition universelle de Shanghaï. Une palette de pavillons, un portrait de régions, un éventail d’intentions, tous animés par une unique ambition. « Better city, better life » et la signature d’un manifeste de la ville idéale. La promesse d’un voyage urbain pour repenser les centres de demain.

« Une ville meilleure, pour une vie meilleure », un pari osé et partagé par la firme américaine Navigant Research qui révèle, dans une récente étude consacrée aux smart cities, que les citadins ne seront plus 3,6 mais 6,3 milliards dans le monde en 2050.

Si l’on sait cette urbanisation croissante être un facteur d’homogénéisation des modes de vie, on s’inquiète de la source de menaces qu’elle incarne en matière environnementale. C’est en effet dans les mégalopoles urbaines qu’a lieu l’essentiel des émissions de gaz à effet de serre. En France, Nicolas Blanc, responsable innovation et développement durable du groupe Caisse des dépôts, précise que « l’urbain représente déjà 80% de la population, 75% de l’énergie finale consommée et les deux tiers des émissions des gaz à effet de serre ». Un challenge environnemental donc, sans que soient oubliées des préoccupations telles que la dégradation de la qualité de l’air, l’affaiblissement des ressources énergétiques, le réchauffement climatique ainsi que les impacts sur la santé publique, l’alimentation et la gestion des déchets. Autant de défis qui invitent à une prise de conscience collective pour améliorer la gouvernance de l’aménagement urbain.

La smart city, un concept émergent ambitieux ?

Dans le sillage de ce vent d’innovation urbaine, la smart city, surnommée « ville intelligente », un modèle promu depuis l’essor du numérique dont la dynamique repose sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication.

La genèse de la ville intelligente

Initiées par IBM pour désigner une gamme d’actions promotionnelles, les smarter cities deviennent les smart cities et traduisent la volonté de promouvoir l’interaction des réseaux pour une gestion efficiente. Une stratégie créative qui conçoit la ville dans sa globalité, quelles qu’en soient les dimensions. François Richard, directeur Partenariat et Réglementation, Orange Smart cities, estime que seule « une vision systémique de la ville assure une optimisation de sa gouvernance ». Or, cette vision structurante suppose une gestion des données raisonnée et une coordination mutuelle des ressources, via les nouvelles technologies. L’adjectif « intelligent » s’entend d’ailleurs de cette capacité à transformer la production des données pour développer une économie fonctionnelle. Présomptueux pour certains, péjoratif pour d’autres, il traduit la quête d’un langage commun capable de diriger les acteurs à chaque étape de l’innovation urbaine.

La smart city dans l’alphabet numérique

Qu’elle soit connectée, digitale, collaborative, informationnelle ou augmentée, la smart city est une ville efficace dans le partage des informations, durable sous l’effet des pressions énergétiques et agréable grâce à un panel de services attractifs. Elle met en œuvre une gestion d’infrastructures communicantes, adaptatives et automatisées pour améliorer la qualité de vie des citoyens et pour défendre le respect de l’environnement.

La smart city diffuse une créativité disciplinaire dans la construction de son intelligence. Économie, mobilité, environnement, habitat, administration, agriculture, autant de secteurs dans lesquels les villes rivalisent d’ingéniosité. Car, si ces initiatives locales sont un enjeu de positionnement marketing, elles n’en demeurent pas moins un facteur de compétitivité à l’échelle nationale avec l’essor de réseaux pertinents.

Le transport au service d’une croissance verte

En France, de nombreux projets lucratifs d’amélioration et de mobilité ont été lancés. Créé en 2011, « Grand Lyon, métropole intelligente » est un programme transversal de réforme du développement économique de la ville. Articulé autour de quatre axes, il porte son attention sur l’énergie, les nouvelles mobilités, les services numériques et le soutien à l’innovation. Dans le domaine des transports, des modèles écoresponsables ont été conçus pour optimiser la production et la consommation d’énergie (sur le nouveau bonus voiture électrique et hybride et la prime de conversion pour détruire les véhicules les plus polluants, V. D. n° 2015-361, 30 mars 2015 : JO 31 mars 2015). Sunmoov, un service d’autopartage, est né dans le quartier de la Confluence et permet de louer une voiture électrique à l’énergie solaire, en libre-service, par simple réservation sur Internet. Les véhiculent utilisent uniquement de l’énergie électrique produite localement et 100% renouvelable. Franc succès aussi pour l’application de covoiturage du Grand Lyon téléchargée, depuis sa création, plus de 10 500 fois.

Réduire le parc privé automobile, un souhait partagé à Paris et en région parisienne depuis que le pays s’est engagé à réduire de 20%, à l’horizon 2020, son émission de CO2. Autolib’ et Vélib’, deux services alternatifs intelligents destinés à fluidifier les déplacements urbains (Pour aller plus loin : A. Cayol, « Rouler branché » : en route pour la voiture électrique : JCP E 2015, 1036), tout comme Zenbus, une application déployée à Issy-les-Moulineaux pour géolocaliser les bus et diffuser leur positionnement aux voyageurs, via les smartphones. Toujours dans un esprit d’intelligence des transports, la société des Taxis bleus dévoile son dernier né, The Button Corporation, un bouton connecté destiné à déclencher en temps réel la commande et la venue d’un taxi du réseau. Ce service innovant, proposé aux restaurants, aux hôtels et aux boutiques de la capitale, souhaite offrir célérité et sérénité dans le déplacement d’une clientèle exigeante et espère ainsi relancer le commerce de proximité. Yann Ricordel, directeur général de la compagnie, précise que « le système est simple à installer, à utiliser et ce, sans surcoût pour le commerçant puisqu’il ne nécessite pas d’abonnement aux Taxis bleus pour fonctionner ».

Wireless smart city

Ces offres de transport intelligent mobilisent les techniques de l’information et de la communication pour développer une nouvelle mobilité. Pour autant, cette dernière n’a de sens que si elle est associée à la connectivité. Interactivité des échanges et qualité de vie, un tandem évident pour Orange qui considère que l’ouverture de l’accès à l’information participe au déploiement de la ville de demain et qui expérimente ainsi, en partenariat avec Air France et la SNCF, le Wi-Fi dans les transports publics. Une innovation ouverte que le ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, Emmanuel Macron, a salué. « La transformation numérique est un atout maître pour la modernisation de notre pays et la libération des énergies » (Min. Économie, communiqué de presse n° 396, 10 févr. 2015).

Smart grid, de la ville au quartier intelligent

Autres dimensions essentielles de la ville intelligente, la maison individuelle communicante, smart home, et l’immeuble à énergie positive, smart building. Tout comme le secteur des transports, le bâtiment est un grand consommateur d’énergie. D’où la nécessité de repenser l’aménagement urbain autour d’un partage des ressources. Les technologies de l’information et de la communication favorisent la collectivité et permettent une gestion intelligente de toutes les fonctions électriques d’un immeuble (chauffage, éclairage, surveillance, électroménager).

Une approche résidentielle, résolument contemporaine, déployée à Issy-les-Moulineaux, dans un réseau autonome, appelé Issy Grid. Le quartier offre des solutions intelligentes pour préfigurer la gestion énergétique de la ville de demain. Parmi ces utilities, les compteurs intelligents, type Linky, qui accompagnent l’habitant dans le contrôle de sa lumière, de ses volets, de son eau et de son chauffage, et l’informent en temps réel de sa consommation énergétique. Le compteur communicant reçoit des informations et envoie des ordres. Installé chez les clients et relié à un centre de supervision, il interagit avec le réseau, qu’il contribue à rendre intelligent. D’un point de vue culturel, il incite à une rupture dans les modes de vie et invite le citoyen à une collaboration participative.

Article rédigé par Alice Philippot et Angélique Azzi. 

Sources : François Richard, Directeur Partenariat et Réglementation, Smart Cities & Territories, Orange, et Jean-Bernard Auby, Professeur de droit public à Sciences Po, Directeur de la Chaire « Mutations de l’Action Publique et du Droit Public ».