L’anonymisation des décisions, un sujet central

En France, avec l’avènement de l’open data, pratique de publication sous licence ouverte qui garantit un accès libre aux données numériques et autorise leur réutilisation, les données sont en principe non-personnelles. Ainsi, celles issues de la jurisprudence ne doivent comporter aucune information sur les individus. Certaines données jurisprudentielles ne sont pas publiques puisqu’elles détiennent des informations nominatives.

Condition de l’ouverture de la jurisprudence, la protection de la vie privée est donc un sujet complexe et sensible. Si la loi Lemaire prévoit une analyse du risque de réidentification des personnes avant toute mise à disposition d’une décision de jurisprudence, qu’il s’agisse des parties ou des professionnels de justice, elle n’indique pas pour autant quels sont les organismes responsables de cette analyse, et ne précise pas non plus comment celle-ci pourrait être techniquement mise en oeuvre.

L’anonymisation suppose la suppression irréversible de tout indice qui présenterait un risque de réidentification. Cela concerne évidemment les noms, mais aussi des données périphériques qui pourraient donner lieu à des recoupements d’informations (comme les habitudes d’une personne, son lieu de travail, etc.). Pour les personnes physiques, deux
solutions sont possibles, notamment pour assurer la conformité au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) : l’anonymisation et la pseudonymisation.

Des questions cruciales se posent : faudrait-il anonymiser le document dès sa production, à bref délai, ou ultérieurement ? Si tous les acteurs du droit recevaient une jurisprudence anonymisée, quelle en serait sa valeur ? En effet, la production et l’actualisation de la doctrine exige une connaissance du contexte dans lequel chaque décision a été prise. Également, le montant d’une indemnité s’analyse en prenant en compte la situation spécifique des parties selon un contexte économique et un ensemble de critères très précis. Pour conserver la valeur ajoutée que représentent la doctrine et l’analyse des données, il est indispensable d’autoriser des acteurs de confiance à accéder à un flux intègre non anonymisé.

 » Comme d’autres éditeurs majeurs ou acteurs de la legaltech, LexisNexis souhaite qu’à côté d’un flux de décisions anonymisées, un flux « intègre » de décisions non anonymisées puisse être mis à leur disposition selon une procédure d’agrémentation identique à celle des données de santé, charge à tous les rediffuseurs, s’ils les mettent ensuite à disposition de tiers, de les anonymiser et de respecter pleinement les obligations légales et règlementaires en la matière. »
Denis Berthault, Directeur du développement des contenus en ligne, LexisNexis

Les éditeurs considèrent qu’ils sont un partenaire historique, naturel et important de la politique publique de diffusion et d’accessibilité du Droit. Or, l’accès à des décisions non anonymisées permet la réalisation de travaux et d’analyse plus fines (un exemple : le nom des parties peut, notamment, permettre d’identifier des plaideurs requérants, ce qui pourra expliquer certaines décisions). Pour mettre en oeuvre, concrètement,
ces modalités, LexisNexis promeut la création d’un statut de « tiers de confiance » imposant des garanties sur la gestion des données personnelles, telles que (1) :
–La sécurité des données, accès et conservation (sécurité des entrepôts, maîtrise des serveurs, accès limités à des personnels dûment habilités, pare-feu…) ;
–La nomination d’un DPO, signataire du contrat aux côtés du représentant de l’entreprise ;
–L’engagement à la non rediffusion des données intègres : nonobstant la possibilité de rediffuser librement le flux anonymisé open data, la rediffusion des données du flux intègre serait limitée aux dispositions de la délibération CNIL n° 01-057 du 29 novembre 2001 portant recommandation sur la diffusion de données personnelles sur internet par les banques de données de jurisprudence. Les éditeurs souhaiteraient le cas échéant être associés à l’éventuelle révision de cette délibération ;
–Responsabilité de l’éditeur en cas de diffusion d’un flux non anonymisé.

« Pour que les acteurs privés de la modernisation de la justice produisent des solutions qui aideront le Ministère de la justice et l’État à atteindre leurs objectifs, il leur faut un accès continu aux données brutes de jurisprudence. »

Marie-Noëlle Thomas, Directrice Marchés Secteur Public & Enseignement,
LexisNexis

Pour découvrir le livre blanc dans son intégralité : https://go.lexisnexis.fr/lb_Open_dataetJurisprudence