L’avenir du notariat dépend plus de la volonté des notaires que de celle du législateur

LA SEMAINE JURIDIQUE NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE N° 17 – 28 AVRIL 2017

3 questions à : Philippe Glaudet
« L’avenir du notariat dépend plus de la volonté des notaires que de celle du législateur »

  • Pourquoi avoir choisi ce thème des nouvelles sociétés d’exercice ?

La réponse est simple : parce que la loi Croissance du 6 août 2015 permet désormais aux notaires d’exercer au sein de toutes sociétés, sauf celles conférant la qualité de commerçant. Cette évolution et l’augmentation du nombre de notaires qui résultera de la même loi conduiront probablement mes confrères à s’interroger sur la pertinence de leurs structures d’exercice. Les notaires exercent très majoritairement soit en nom propre, soit en société civile professionnelle. Très peu ont opté pour l’impôt sur les sociétés. 7 % seulement des notaires ont créé une société d’exercice libéral (et beaucoup d’entre eux en société unipersonnelle). Il n’existe que 22 SPFPL (Sociétés de participations financières de profession libérales) notariales.
Les notaires ont conservé leurs habitudes. Chaque année, on prélève l’intégralité du bénéfice, on ne constitue aucune réserve (à défaut d’incitation fiscale à le faire) et tous nos revenus professionnels sont soumis à cotisations sociales. Le moment est donc venu de s’interroger. Et nous souhaitions offrir un guide des différents modes opératoires et des raisons de faire ou non.

  • La décision de changer de structure est-elle simple ?

Les motifs du changement sont divers. D’abord, passer d’une fiscalité subie à la gestion d’une entreprise. Le régime des BNC comporte des limites, alors que l’impôt sur les sociétés présente des opportunités. Ensuite, la loi nouvelle entraînera des rapprochements d’offices et lorsqu’une telle volonté
s’exprimera, les SEL seront un bon outil. La SEL permet des schémas d’organisation plus structurants. Si l’on veut mieux préserver son indépendance d’exercice, des SPFPL seront constituées. Ceci concerne tant les études les plus importantes pour développer des partenariats au niveau national leur permettant de jouer à égalité avec les grands cabinets d’avocats (majoritairement d’affaires), que les plus petites études (notamment rurales) afin de regrouper des moyens et des compétences. La possibilité désormais de transférer son office à l’intérieur de zones ne fera qu’accentuer l’intérêt de se regrouper. Une fois la décision prise, il faudra en mesurer les conséquences juridiques et fiscales. Le rapport examine successivement, sous ce
double angle, l’apport de l’office notarial à une SEL, la transformation de la SCP en SEL et la cession de l’office notarial à une SEL. Si les conséquences fiscales de l’apport et de la transformation pourront être minorées par diverses options, il n’en est pas de même de la cession d’un office à une SEL (ou très peu). Cette option n’a pas, aujourd’hui, la faveur de la Chancellerie. Nous nous demanderons si cela doit évoluer pour favoriser la modernisation
de nos structures d’exercice. Enfin, l’inter-professionnalité voulue par la loi Macron nécessitera un changement de structures d’exercice. Cette loi a ouvert le champ des possibles quant à ces structures, pour faire advenir des associations entre des notaires et d’autres professionnels du droit, et, dans le cadre des SPE, avec les expertscomptables. Désormais, les notaires pourront être minoritaires dans certaines structures d’exercice et capitalistiquement par le biais des SPFPL. La prise de participation d’une personne morale étrangère (Communauté économique européenne, Espace
économique européen et Suisse) exerçant une profession du droit ou du chiffre est devenue possible. Bien entendu, tout ceci n’est pas sans créer une légitime inquiétude.

  • La profession est-elle prête à changer ses habitudes ? Comment voyez-vous l’avenir des structures d’exercice ?

Si l’on veut préserver ce qui fait la force de notre profession et les garanties qu’elle apporte aux citoyens, il nous faudra résoudre les problèmes que posent l’inter-professionnalité vis-à-vis de la responsabilité professionnelle, notre assurance, notre garantie collective et la déontologie. Les promesses
de vertu ne sont pas suffisantes. Il faudra trouver des solutions au-delà des proclamations politiques pour conserver ce qui fait l’identité de notre profession et assure la sécurité de nos actes. Le professeur Philippe Pierre, qui a accepté d’être notre rapporteur de synthèse, a développé dans le rapport ses interrogations, voire ses craintes, et nous en débattrons lors du Congrès. Les conséquences qu’aura inéluctablement la loi Croissance, ne serait-ce qu’en raison du plus grand nombre de notaires, conduiront beaucoup d’entre nous à s’interroger, pour les plus anciens sur l’évolution de leur
structure, pour les plus jeunes installés sur l’usage des nouveaux outils juridiques. Ceci démontre, s’il en était besoin, que l’avenir du notariat dépend plus de la volonté des notaires que de la volonté du législateur.

LA SEMAINE JURIDIQUE – NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE – N°17 – 28 AVRIL 2017

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