La réponse pénale au Covid-19 : droit pénal d’exception ?

Dossier à paraître dans le prochain n° de la revue Droit pénal (N° 05-Mai 2020 – Réf. : Dr. pén. 2020, dossier 1 à 4) : LA REPONSE PENALE AU COVID-19 : DROIT PENAL D’EXCEPTION

La réponse pénale au Covid-19 : Droit pénal d’exception ?

Evelyne BONIS, professeur à l’université de Bordeaux, Institut de sciences criminelles et de la Justice (EA 4633)

Philippe CONTE, professeur à l’université Panthéon-Assas (Paris II), directeur de l’institut de criminologie et de droit pénal de Paris

Virginie PELTIER, professeur à l’université de Bordeaux, Institut de sciences criminelles et de la Justice (EA 4633)

Cédric RIBEYRE, professeur à l’université Grenoble Alpes, directeur de l’École doctorale sciences juridiques

La pandémie du Covid-19 et l’instauration d’un confinement ont provoqué la création de nouvelles incriminations, contraventions mais aussi délits. La conciliation de ces nouvelles infractions avec celles préexistant à l’urgence sanitaire, notamment avec le délit dit « de mise en danger », suscite des interrogations (étude 2). Prise sur le fondement de la loi d’urgence sanitaire n° 2020-290 du 23 mars 2020, l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale, vise à assurer la continuité de la justice pénale pendant la crise sanitaire, multipliant les dérogations au droit commun (étude 3). Cette crise sanitaire a aussi conduit le législateur à revoir tant les règles de droit pénitentiaire que les règles relatives aux aménagements de peine, dans un contexte de surpopulation carcérale où l’observance des « gestes barrière » semble illusoire (étude 4).

Le droit pénal de crise : l’exemple du virus Covid-19………………….. p. 1

La procédure pénale à l’épreuve de l’état d’urgence sanitaire…………. p. 6

Le droit de la peine et la lutte contre le Covid-19 en milieu carcéral….. p. 11

Le droit pénal de crise : l’exemple du virus Covid-19

  • La pandémie du Covid-19 a nécessité la création de nouvelles incriminations, contraventions mais aussi délits.
  • Si ce droit pénal est un droit de crise, il ne présente pas, cependant, les caractères d’un droit d’exception.
  • Pour autant la conciliation des nouvelles infractions avec celles préexistant à l’urgence sanitaire, notamment avec le délit dit « de mise en danger », peut susciter des difficultés.

1 – L’épidémie consécutive au virus Covid-19 a suscité une législation pénale 1 dont l’originalité peut se résumer par l’expression de « doit pénal de crise », en écho à la notion d’« état d’urgence sanitaire » qui, introduite par l’article 2 de la loi du 23 mars 2020 2, est apparue dans l’intitulé du chapitre 1er bis du titre III du livre Ier de la troisième partie du Code de la santé publique, comme en son article L. 3131-1.

2 – Cet arsenal, certes, n’est pas sans précédent : à sa manière, la succession de lois pour répondre aux attaques terroristes contre la France relève du genre ; mais en matière sanitaire 3, la législation de crise présente des caractères particuliers : réagissant à l’évolution de l’épidémie, le législateur pénal est intervenu par des dispositions répressives elles-mêmes évolutives et destinées à n’être que temporaires, pour avoir à cesser au temps du retour à une situation normale. Tributaires des avis scientifiques, mais aussi des considérations politiques 4, les mesures sanitaires de lutte contre l’épidémie ont ainsi tracé la voie et ont précédé, dans leur avance cahoteuse, les infractions multiples qui en ont donné une traduction pénale, d’abord par une simple application du droit pénal ordinaire, puis, bientôt, par des dispositions spécifiques, dont la conciliation avec ce droit commun n’est pas forcément aisée. Mais ce droit pénal de crise, pour autant, n’a pas fait appel à des mécanismes juridiques relevant d’un droit d’exception 5, à l’opposé d’autres règles qui, elles, ont sacrifié aux mesures dérogatoires, voire exceptionnelles 6. Cette législation s’offre ainsi comme un modèle, avec ses qualités (la réactivité) et ses limites (l’improvisation). Cet exposé n’a d’autre ambition que d’en retracer les étapes, en se livrant à un sinueux et rebutant jeu de pistes réglementaire et législatif, afin d’illustrer les caractères ci-dessus relevés : une législation évolutive (1), temporaire (2) et en marge du droit pénal ordinaire (3).