La Semaine Juridique Edition Générale n°17
LA SEMAINE DU DROIT LIBRES PROPOS
UNION EUROPÉENNE
Le filtre européen
POINTS-CLÉS ➜ Il n’est pas possible d’apprécier dès maintenant les conséquences du Brexit ➜ Les États membres de l’Union européenne ne sont pas victimes de l’Europe, mais doivent prendre en main leur destin ➜ L’Union européenne est loin d’être une Europe du « tout marché », elle est au contraire le meilleur rempart contre les excès de la mondialisation ➜ À cet égard le départ des britanniques est (malheureusement) une chance pour l’Europe
Dominique Berlin, professeur à l’université Panthéon-Assas
Nous avons vécu l’expérience, mais nous n’avons pas saisi la signification » T.-S. Eliot, Four Quartets. Ce que suggère la phrase en exergue est que pour avoir une juste compréhension de ceq ue l’on vit, il est nécessaire, pour en mesurer toute la portée, de mettre l’expérience en perspective, de la situer par rapport à ses origines et d’en mesurer les finalités. Ce qu’elle sous-entend, c’est que faute de la perception de cette signification, celui qui vit un événement non seulement en reste à une expérience très solitaire et nécessairement subjective, mais qu’il est difficile pour lui, faute de perspective éclairante, d’accéder à la véritable connaissance et finalement de prendre en main son destin. Toutefois l’acquisition des éléments propres à la formation d’une décision passe d’abord et avant tout par l’accès à des informations fiables. De ce point de vue, et alors que l’une des principales lignes de clivage de cette campagne présidentielle apparaît bien être, après deux débats télévisés, l’appartenance à l’Union européenne, il est possible de s’inquiéter pour l’électeur soucieux d’objectivité. Pourra-t-il véritablement se prononcer en toute connaissance de cause, compte tenu de tous les silences/oublis, approximations, voire contre-vérités auxquels il a droit depuis le début de cette campagne ?
Un exemple de silence pour le moins curieux ? Alors que l’on pointe du doigt toutes les défaillances de l’Union européenne et l’apparent manque de projet pour le futur, pourquoi ne pas commencer par rappeler que cette Europe si critiquée, a eu pour origine, et principale réalisation, l’absence de conflit militaire en Europe (le conflit des Balkans des années 90, qui a d’ailleurs suscité de nombreuses critiques quant à l’absence d’implication de l’Union, s’est précisément déroulé à l’extérieur de l’Union). Cette réalisation peut apparaître mince et trop « ancienne » pour les jeunes générations mais elle mériterait au moins de ne pas être passée sous silence, à une époque où le « problème » ukrainien est lourd de menaces. Un oubli ? Pourquoi l’un des candidats, lors du débat télévisé du 4 avril dernier, brandit les orientations en matière de politique économique de la Commission pour montrer que la France n’est plus maîtresse de son destin, en oubliant opportunément de mentionner que ses orientations sont en fait une communication de la Commission, acte dépourvu de tout caractère juridiquement contraignant ? Quant aux approximations, elles sont légion. Il a déjà été fait mention des incohérences relatives à la sortie de l’euro et l’on n’y reviendra pas (V. JCP G 2017, act. 232 ). Cependant, les partisans d’une sortie de l’Union européenne, à qui l’on objecte le coût que représenterait pour la France une telle sortie, ont vite trouvé la parade : les « Cassandre » qui promettent l’apocalypse seraient démentis par nos amis britanniques qui non seulement ont survécu au Brexit mais qui semblent plutôt s’en tirer mieux que leurs anciens partenaires. Non pas à l’encontre de cette présentation (trompeuse), mais pour offrir une véritable image de la réalité, il est nécessaire de dire, d’une part que le Royaume-Uni qui ne faisait pas partie de la zone euro a d’ores et déjà subi une dépréciation de la livre d’environ 10 %, dont les effets commencent à se faire sentir, et d’autre part et surtout, que le référendum britannique sur le Brexit n’a en rien entraîné une sortie du Royaume-Uni de l’Union. Ce n’est que seulement maintenant, après que Theresa May ait adressé sa lettre de demande de sortie au titre de l’article 50 du Traité UE que les conditions de cette sortie vont être négociées durant deux ans. Dès lors, il est un peu tôt pour savoir si la sortie du Royaume-Uni n’entraînera pas des conséquences sévères pour l’économie et le peuple britanniques. C’est en tout cas ce que semble redouter bon nombre d’opérateurs et de consommateurs alors même, il est bon de le répéter, que le Royaume-Uni n’a jamais, depuis l’origine, été pleinement intégré dans l’Union européenne puisqu’il bénéficiait d’un statut tout à fait particulier. Dans un autre ordre d’idée, l’Europe (même pour des candidats qui n’ont pas fait de la sortie de l’Union une part importante de leur programme) est vilipendée au nom d’un libéralisme auquel elle aurait fait allégeance, accusation qui se confond parfois avec celle de suppôt de la mondialisation. À supposer que ce dernier terme signifie bien, dans la bouche de ceux qui l’utilise comme un repoussoir, une extension (…)
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LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N°17 – 24 AVRIL 2017
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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck