EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ENTREPRISE ET AFFAIRES – N° 15 – 11 AVRIL 2019
CONSEIL PROTECTION SOCIALE
Retraite
Le retour des retraites chapeaux ?
NELLY JEAN-MARIE, avocat associé, Avanty avocats
JEAN DE CALBIAC, docteur en droit, avocat associé, Avanty avocats
Le législateur s’apprête à transposer, dans le cadre de la loi Pacte, une directive du 16 avril 2014 (2014/50/UE) dite « portabilité retraite » réformant de façon très significative les régimes de retraite à prestations définies. Une ordonnance doit fixer, d’ici l’été les contours de ces nouveaux régimes à droits acquis et soumis à condition de performance. Ce nouveau cadre juridique n’est pas ennemi des intérêts des entreprises et peut constituer un axe de développement de la retraite supplémentaire au profit d’un plus grand nombre de salariés.

1- Encadrement progressif des retraites chapeaux
A. – Genèse des retraites chapeaux
1 – La création de régimes de retraite subordonnant le bénéfice de la prestation à la présence de l’intéressé au jour de la liquidation de sa retraite a connu un fort développement après que l’administration fiscale ait admis que le caractère aléatoire du dispositif excluait tout assujettissement à l’impôt du financement à défaut d’acquisition de droits individuels.
2 – Ce raisonnement, qui aurait dû, en toute logique, être transposé en matière de charges sociales, a été rejeté, en 1994, par la Cour de cassation, laquelle a considéré que le seul fait d’être potentiellement garanti justifie que soit opérée une individualisation du financement afin de soumettre à charges sociales le montant dépassant les plafonds d’exonération, applicables à l’époque (Cass.soc., 23 juin 1994, n° 92- 12.247). De nombreuses entreprises n’ont pas accepté cette solution, et leur résistance a suscité un débat judiciaire pendant près de dix ans, que la « loi Fillon » du 21 août 2003 (L. n° 2003-775, 21 août 2003, portant réforme des retraites : JO 22 août 2003, texte n° 1) a éteint, en organisant un traitement social spécifique des sommes servant à financer ce type de régime, par la création de l’article L. 137-11 du Code de la sécurité sociale.
3 – Ce texte est uniquement applicable aux « régimes de retraite à prestations définies […], conditionnant la constitution de droits à prestations à l’achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l’entreprise et dont le financement par l’employeur n’est pas individualisable par salarié ». Il en résulte que le financement des régimes répondant à ces conditions est exclu de tout assujettissement, tant aux cotisations de sécurité sociale, qu’à la CSG et CRDS avec, pour seule contrepartie à l’origine, le règlement d’une contribution par l’entreprise, sur option, soit sur le financement (dotation aux provisions, primes versées à l’organisme assureur), soit sur la rente versée.
B. – Encadrement social
4 – La forte médiatisation de quelques cas particuliers a généré de multiples réformes qui ont eu pour point commun d’accroître fortement ou de créer des charges pour les dispositifs « L137-11 ». Les taux de la contribution spécifique due par l’employeur sur les rentes ou le financement sont ainsi passés de 8 % (sur les rentes), 6 % (sur les primes versées à l’organisme assureur) et 12 % (sur le provisionnement ou l’évaluation du passif social en cas de gestion interne), à respectivement 16, 12 et 24 %, puis 32, 24 et 48 % ! Enfin, une contribution due par le bénéficiaire sur les rentes a été créée, dont le taux varie en fonction du montant de rente versé (7 % pour la part comprise entre 400 et 600 € de rente par mois, 14 % pour celle supérieure à 600 €).

LE SEMAINE JURIDIQUE – ENTREPRISE ET AFFAIRES
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AUTEUR(S) : Julie Klein, Tristan Azzi,Martine Behar-Touchais, Florence Deboissy, Bruno Dondero, Antoine Gaudemet, Dominique Legeais, François-Xavier Lucas, Vincent Malassigné, Philippe Pétel, Christophe Roquilly, Christophe Seraglini, Frédéric Stasiak et Bernard Teys