EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 13 – 1er AVRIL 2019
LA SEMAINE DU DROIT LIBRES PROPOS
OPEN DATA
L’encadrement de l’open data des décisions de justice par le Conseil constitutionnel
POINTS-CLÉS ➜ Par sa décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel de l’article 33 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 réformant l’open data ➜ Il a toutefois édicté un principe constitutionnel nouveau de nature à encadrer son application : le principe de la publicité des audiences civiles et administratives
Guillaume Hannotin, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation

Effet Minitel ». Se dit d’un succès hexagonal certain mais prématuré, empêchant la puissance publique de percevoir la prochaine rupture technologique – dans le cas du Minitel : l’internet. Internet et ses outils, justement, avaient ouvert une belle perspective : celle, pour tout justiciable, juge ou conseil, d’accéder directement aux décisions de justice, dans une version complète, les moteurs de recherche permettant de faire le tri entre des informations autrement pléthoriques. La règle de droit, telle qu’elle est appliquée au plus près des faits, allait être largement diffusée, réduisant ainsi l’inégalité entre la partie forte, grande entreprise ou administration connaissant parfaitement la jurisprudence de « son » tribunal, et la partie faible, administré ou consommateur n’ayant accès, via son conseil, qu’aux règles générales et abstraites défi nies par les juridictions suprêmes. Le juge lui-même allait pouvoir déceler la pratique de ses collègues face à des notions abandonnées au « pouvoir souverain des juges du fond », ce qui allait être un puissant facteur d’harmonisation de la jurisprudence. Las. Le mouvement vers l’open data des décisions de justice (V. déjà JCP G 2018, act. 168, Aperçu rapide N. Fricero à propos du Rapport Cadiet du 9 janvier 2018 ; V. aussi Entretien avec L. Cadiet : JCP G 2018, act. 170), si bien lancé avec le succès du site Légifrance , des opérateurs privés dynamiques ainsi que la loi n° 2016-1321 pour une République numérique du 7 octobre 2016, a suscité résistances et inquiétudes. Égalité, accès au droit, liberté d’information, transparence sont passés au second plan, derrière leurs antagonistes traditionnels : vie privée, sécurité individuelle. Les décrets d’application de la loi Lemaire précitée ne sont jamais parus. La discussion de la loi de programmation pour la justice a fourni au Gouvernement l’occasion de « remettre à plat » ce pan du droit, et de proposer au Parlement un dispositif qui, sous couvert de « concilier la publicité des décisions de justice et le droit au respect de la vie privée », tend plutôt à porter atteinte à la publicité au nom de la vie privée. Le Conseil constitutionnel, dans la décision commentée, a rétabli un certain équilibre. Il l’a fait autant que possible pour un juge constitutionnel, qui n’examine que les parties de la loi qui lui sont soumises, qui plus est dans le cadre d’un contrôle a priori , donc sans pouvoir spéculer sur toutes les applications potentielles du texte. Le Conseil a ici rétabli l’équilibre à la fois :
- en s’abstenant soigneusement de se prononcer sur certains aspects de l’article 33 de la loi, lesquels pourront donc faire l’objet d’un contrôle a posteriori , par voie de QPC ;
- en précisant l’intention du législateur, ce qui sera de nature à encadrer l’utilisation future d’une partie du texte ;
- et, enfin, en édictant un nouveau principe constitutionnel de « publicité des audiences », principe dont le pouvoir réglementaire devra tenir compte lors de la rédaction des décrets d’application.
C’est ce qui sera établi à l’examen des trois principaux aspects de l’article 33 de la loi n° 2019-222 de programmation pour la justice : la diffusion électronique et gratuite des décisions de justice (1), la réutilisation des données contenues dans les décisions afin d’établir la pratique décisionnelle des juges (2), la transmission des décisions de justice « en copie », à la suite de demandes auprès des greffes (3)…
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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck