[Libres propos] Le sort des loyers dans les baux commerciaux à l’épreuve de la crise du covid-19 : quid de l’exception d’inexécution ?

EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE – N° 18 – 1ER MAI 2020

Le sort des loyers dans les baux commerciaux à l’épreuve de la crise du covid-19 : quid de l’exception d’inexécution ?

POINTS CLÉS ➜ Le Le locataire, victime de la crise sanitaire née du covid-19 et contraint de fermer, doit-il payer ses loyers ? ➜ Parmi les outils juridiques qui sont mis à sa disposition, l’exception d’inexécution peut utilement jouer

Louis Perreau-Saussine, agrégé des facultés de droit, professeur à l’université Paris-Dauphine (PSL, Cr2D)

Les points de vue les plus divers se sont exprimés, dans la presse grand public comme juridique, sur le point de savoir si et dans quelles conditions le locataire, victime de la crise sanitaire née du covid-19 et dont le commerce a été contraint de fermer, doit payer ses loyers.

Dans la foulée de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 prévoit que certaines TPE ne pourront encourir de pénalités financières, intérêts de retard, dommages intérêts, astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou tout clause prévoyant une déchéance, ou d’activation de garantie pour non-paiement des loyers pour la période entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire. Pour les autres entreprises, le législateur n’a rien dit et rien prévu. Que peuvent-elles faire ?

Du côté des bailleurs, les attitudes ne sont pas homogènes. Certains bailleurs, et notamment dans les centres commerciaux, ont tôt fait de marteler qu’avec la loi du 23 mars 2020, ils ont déjà fait des sacrifices financiers et ne peuvent aller au-delà. D’autres bailleurs, conscients de la fragilité économique de certains commerçants, ont pris les devants. Par exemple, SNCF Gares & Connexions a renoncé au même moment, avec Altarea Cogedim et Demeter Concessions, à percevoir les loyers et les charges dus depuis le 16 mars et jusqu’au 30 avril 2020 par les enseignes et commerçants des gares.

Du côté des commerçants, pas moins de 15 fédérations représentatives de leurs intérêts ont « appelé à l’aide » le Gouvernement dans une lettre ouverte en date du 14 avril 20205 : leur leitmotiv ? « Pas de prestation délivrée par les bailleurs, pas de paiement des loyers par les preneurs à bail ». Argument de bon sens diront les uns ; argument simpliste diront les autres – argument qui renvoie aux termes de l’article 1219 du Code civil réglementant l’exception d’inexécution : « Une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave ».

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AUTEUR(S) : Conseil scientifique : Ch. Blanchard, H. Bosse-Platière, C. Brenner, G. Durand-Pasquier, M. Julienne, L. Leveneur, M. Mekki, P. Murat, S. Piedelièvre, Ph. Pierre, F. Terré. Comité d’experts : D. Boulanger, M.-F. Zampiero Bouquemont, E. Clerget, F. Collard