EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 4 – 27 JANVIER 2020
INFORMATIQUE ET LIBERTÉS PUBLIQUES
Légalité des traitements de données et incidences sur la régularité des procédures fiscale et pénale subséquentes
À propos de l’article 154 de la loi de finances pour 2020 du 28 décembre 2019
Juliette Crouzet, avocate en droit des nouvelles technologies, Cabinet Bredin Prat
Martin Horion, avocat en droit pénal, Cabinet Bredin Prat
Adrien Soumagne, avocat en droit fiscal, Cabinet Bredin Prat

Points-clés ➜ Un algorithme pour surveiller vos comportements en ligne et révéler vos infractions à la réglementation fiscale et douanière ➜ Voilà le dispositif introduit par l’article 154 de la loi n° 2019-1479 de finances pour 2020 qui, après avoir été âprement discuté dans le cadre des débats parlementaires, a été en grande partie validé par le Conseil constitutionnel le 27 décembre dernier ➜ Il constitue un changement de paradigme majeur dans le domaine de la lutte contre la fraude fiscale et douanière ➜ La collecte de données à caractère personnel qu’il prévoit interroge, tant quant à sa légalité qu’à son incidence sur la régularité d’éventuelles procédures fiscale et pénale subséquentes
Les administrations fiscale et douanière pourront désormais, pour les
besoins de la recherche de certains manquements, collecter et exploiter tous les contenus librement accessibles et manifestement rendus publics par les utilisateurs sur les plateformes en ligne visées à l’article L.111-7, 2° du Code de la consommation, dont les réseaux sociaux ( Facebook, Twitter, Instagram etc. ), les places de marchés en ligne ( Amazon, eBay, PriceMinister etc. ) ou encore les plateformes de partage en ligne de contenus ( Youtube, Dailymotion etc.). Le recours à ce dispositif est autorisé pour des manquements et infractions limitativement énumérés dont la commission est rendue possible ou favorisée par l’usage d’internet. La fausse domiciliation fiscale des personnes physiques à l’étranger y a été ajoutée, cette dernière étant incluse dans le champ du dispositif à raison du fait qu’elle constituerait l’« un des cas les plus graves de soustraction à l’impôt, qui peut être particulièrement difficile à déceler » (Cons. const., 27 déc. 2019, n° 2019-796 DC, cons. n° 84 à 86 : JurisData n° 2019-023937) et pour lequel le recours aux informations publiées sur les réseaux sociaux peut s’avérer pertinent notamment pour établir le lieu de séjour principal d’un individu. La collecte d’informations publiées en ligne pour déceler des comportements délictueux, notamment en matière fiscale, n’est pas nouvelle. Elle intervenait néanmoins jusqu’à aujourd’hui dans le cadre de traitements ciblés pour confirmer des suspicions de manquements : il ressort par exemple de la décision du tribunal administratif de Paris dans le dossier Google que l’administration s’était notamment appuyée sur le témoignage de plusieurs salariés « recueilli sur un réseau social professionnel » pour appuyer sa thèse selon laquelle les salariés de la filiale française auraient été investis du pouvoir de conclure des contrats au nom de la société mère irlandaise (TA Paris, 12 juill. 2017, n°1505178, Sté Google Ireland Ltd, cons. 11 : JurisData n° 2017-013862).

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck