EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 49 – 3 DÉCEMBRE 2018
LA SEMAINE DU DROIT LIBRES PROPOS
ENFANCE DÉLINQUANTE
Ordonnance sur ordonnance ne vaut !
À propos de la création d’un Code de justice pénale des mineurs
POINTS-CLÉS ➜ Le 21 novembre 2018, la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, annonçait dans l’hémicycle, à la grande surprise de la plupart des parlementaires, la volonté du Gouvernement de réformer par ordonnance, en application de l’article 38 de la Constitution en passant par la réforme judiciaire en cours d’examen, l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, afin d’instituer un véritable Code de la justice pénale des mineurs ➜ Pour aussi séduisante que puisse paraître cette proposition en termes d’intérêt porté à la justice des mineurs et parce qu’une codification du droit pénal des mineurs est souhaitable pour le faire gagner en lisibilité, le moment choisi, le procédé utilisé et les objectifs avoués posent question
Il n’y a aucune originalité à vouloir réformer l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945. Depuis son entrée en vigueur et jusqu’en 2014, pas moins de 50 réformes se sont succédées dans le temps, parfois à un rythme effréné. Souvent induites par des objectifs contradictoires et inconciliables pour les juges des enfants, elles tendent indistinctement à renforcer les garanties procédurales et les droits des mineurs sous l’impulsion des textes internationaux, mais aussi à accélérer les procédures et mesures de coercition à l’égard des mineurs, au risque parfois d’aligner leur justice, dérogatoire et spécialisée, sur celle des majeurs (V. M. Douchy-Oudot et L. Sebag, Le guide des procédures relatives aux mineurs » : LexisNexis, coll. Guides 2018, p. 291 et 292 . Dans un tel contexte conjugué à une réelle crise contemporaine de l’éducation, nul ne peut faire grief aux pouvoirs publics de chercher à codifier ce texte afin de lui redonner une cohérence d’ensemble et une meilleure lisibilité en revenant à son essence originelle et en y intégrant les textes de droit international foisonnant en la matière-telle que la Convention internationale des droits de l’enfant. Cette ambition justifierait que l’on rompe avec la frénésie législative pour laisser place à une large et préalable concertation que n’autorise pas le recours, quasi systématique en la matière, aux ordonnances de l’article 38 de la Constitution.
Il y a au contraire une certaine originalité à vouloir le faire avant le terme des travaux parlementaires ad hoc en cours, par le biais d’une habilitation législative par ordonnance de l’article 38, tant décriée depuis de nombreux mois et les derniers gouvernements, au nom de la poursuite d’objectifs qui semblent finalement assez éloignés de cette « essence originelle » et qui font l’impasse sur les véritables moyens à mettre en oeuvre pour que la justice puisse assurer efficacement la réponse pénale aux infractions commises par les mineurs…
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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck