Loi LCAP et PAPE – Regards croisés d’un universitaire et d’un avocat

Extrait  de la revue CONSTRUCTION – URBANISME – N° 3 -MARS 2018 ©LEXISNEXIS SA

Focus
Loi LCAP et PAPE – Regards croisés d’un universitaire et d’un avocat

Stéphanie LAPORTE, directrice du Pôle Immobilier (ICH, CRDI CAMI) du Conservatoire national des arts et métiers du Pays de la Loire
et David GILLIG, avocat au barreau de Strasbourg et associé de la SELARL Soler-Couteaux/Llorens
Sources : L. n° 2016-925, 7 juill. 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine (dite loi LCAP) D. n° 2017-252, 27 févr. 2017

Focus-Loi-LCAP-PAPELa loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (dite loi LCAP) a introduit dans le Code de l’urbanisme un article L. 441-4 qui dispose : « La demande de permis d’aménager concernant un lotissement ne peut être instruite que si la personne qui désire entreprendre des travaux soumis à une autorisation a fait appel aux compétences nécessaires en matière d’architecture, d’urbanisme et de paysage pour établir le projet architectural, paysager et environnemental dont, pour les lotissements de surface de terrain à aménager supérieur à un seuil fixé par décret en Conseil d’État, celles d’un architecte au sens de l’article 9 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture ».
Le décret n° 2017-252 du 27 février 2017 relatif à l’établissement du projet architectural, paysager et environnemental (PAPE) a fixé le seuil à 2 500 m2 de surface de terrain à aménager. Qu’en est-il des modalités opérationnelles et de l’élaboration du PAPE du dossier de permis d’aménager un lotissement au regard de ces nouvelles dispositions ?
Stéphanie Laporte et David Gillig nous livrent leurs éclairages.

La rédaction : La loi LCAP impose le recours aux compétences en matière d’architecture, d’urbanisme et de paysage pour établir le PAPE du dossier de demande de permis d’aménager. Qu’entend-on par ce recours aux compétences et ces dernières sont-elles identiques en deçà et au-delà du seuil de 2 500 m2 de surface de terrain à aménager ?
Stéphanie LAPORTE : L’article L. 441-4 du Code de l’urbanisme issu de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 entend imposer le recours à des compétences en matière d’architecture, d’urbanisme et de paysage pour établir le PAPE prévu dans le dossier du permis d’aménager et précise que pour les lotissements dépassant un certain seuil, ces compétences devront comprendre celles d’un architecte. Sur la base de ce nouveau texte, il faudra désormais distinguer trois hypothèses. La première concernera les lotissements soumis à déclaration préalable pour lesquels, le recours à de telles compétences ne sera pas imposé. La seconde portera sur les permis d’aménager dont la surface de terrain à aménager est inférieure à 2 500 m2, pour lesquels il est exigé de faire appel à des « compétences nécessaires en matière d’architecture, d’urbanisme et de paysage » pour élaborer le PAPE. La dernière visera les permis d’aménager dont la surface de terrain à aménager est supérieure à 2 500 m2, où il sera exigé de recourir à des compétences en matière d’architecture, d’urbanisme et de paysage dont celles d’un architecte pour élaborer le PAPE. Pour la rédaction de ce texte, les parlementaires ont été, avant tout, guidés par la volonté d’améliorer la qualité urbaine des lotissements en assurant la promotion d’une approche pluridisciplinaire et transversale du projet. Selon les termes retenus par les sénateurs, il s’agissait d’imposer l’intervention de « professionnels de l’aménagement et du cadre de vie » réunissant les compétences nécessaires en matière d’architecture, d’urbanisme et de paysage, sans en réserver l’exclusivité à une profession. Cela vise aussi bien les architectes, que les géomètres-experts, les urbanistes ou les paysagistes qui peuvent se prévaloir de telles compétences. Les textes imposent désormais, au pétitionnaire, de recourir à ces professionnels pour la réalisation du PAPE dans le cadre du permis d’aménager. Quelle que soit la surface du terrain à aménager, ce sont les mêmes compétences qui sont visées. La seule précision apportée pour les terrains supérieurs à 2 500 m2, est que l’architecte devra faire partie des professionnels sollicités par le pétitionnaire.
L. R. : Au-delà du seuil de 2 500 m2 de surface de terrain à aménager, le recours à l’architecte est mentionné. S’agit-il d’une extension du monopole de la profession d’architecte ?
David GILLIG : Certains architectes, mais également certains services instructeurs, le prétendent. Toutefois, leur position n’est pas en phase avec les textes. En effet, l’article L. 441-1 du Code de l’urbanisme n’instaure aucun monopole de l’architecte pour établir le PAPE des lotissements dont la surface de terrains à aménager excède le seuil de 2 500 m2 fixé par le décret n° 2017-252 du 27 février 2017 relatif à l’établissement du projet architectural, paysager et environnemental d’un lotissement. Plusieurs arguments peuvent être avancés à l’appui de cette affirmation. En premier lieu, l’emploi du pronom « dont » (« pour les lotissements de surface de terrain à aménager supérieure à un seuil fixé par décret en Conseil d’État, celles d’un architecte au sens de l’article 9 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture » et non de la conjonction « et » (« pour les lotissements de surface de terrain à aménager supérieure à un seuil fixé par décret en Conseil d’État, celles d’un architecte au sens de l’article 9 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture ») établit de manière certaine que si l’architecte doit impérativement participer à l’établissement du PAPE, d’autres professionnels disposant de « compétences nécessaires en matière d’architecture, d’urbanisme et de paysage » sont également habilités à intervenir en la matière.
En deuxième lieu, le ministre chargé de la Communication et de la Culture a confirmé cette analyse dans plusieurs réponses apportées à des parlementaires qui l’ont interrogé sur les conséquences susceptibles de résulter d’une mauvaise application du nouveau dispositif. Le ministre a systématiquement rappelé que « l’article 81 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine consacre une approche pluridisciplinaire » (V. par ex. : Rép. min. n° 101786 : JOAN 21 févr. 2017, p. 1479. – V. également Rép. min. n° 92742 : JOAN 24 mai 2016, p. 4483 : « il est dans cette perspective indispensable, pour les opérations de lotissements soumises à autorisation, de faire intervenir les compétences nécessaires, dont celles d’un architecte, à l’établissement du projet architectural, paysager et environnemental. C’est ce que prévoit le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine qui, après examen à l’Assemblée nationale et au Sénat, consacre une approche pluridisciplinaire et la nécessaire intervention d’un architecte pour les opérations dépassant un seuil de surface déterminé par décret en Conseil d’État »). Il ne s’agit pas « d’exclure la compétence des autres professionnels qui concourent à l’aménagement du cadre de vie […] » (Rép. min.n° 93721 : JOAN 11 oct. 2016, p. 8329).

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AUTEUR(S) : Patrice Cornille, Xavier Couton, Neyla Gonzalez-Gharbi, Marie-Laure Pagès-de Varenne, Hugues Perinet-Marquet, Laetitia Santoni, Christophe Sizaire

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