Médiation et arbitrage : enjeux pour la pratique notariale européenne

Extrait de la Revue : LA SEMAINE JURIDIQUE – NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE – N° 35 – 2 SEPTEMBRE 2016

ACTUALITÉS

NOTAIRE
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3 questions à :
Cyril Nourissat

À propos du colloque Médiation et arbitrage : enjeux pour la pratique notariale européenne

Le 12 septembre prochain se déroulera au Conseil supérieur du notariat un colloque sur le thème de « Médiation et arbitrage : enjeux pour la pratique notariale européenne », organisé par la chaire notariale européenne, en partenariat avec les notaires d’Europe (V. JCP N 2016, n° 27, p. 26).
Cyril Nourissat, professeur à l’université Jean Moulin-Lyon 3 et titulaire de la chaire notariale européenne, en assure la direction scientifique. Il évoque pour nous l’ambition de cette manifestation.

Médiation et arbitrage sont assez peu connus des notaires d’Europe : quelle est l’ambition du colloque ?

Depuis quelques années, l’Union européenne cherche à promouvoir le recours à des modes amiables de règlement des litiges au sein de l’espace judiciaire et juridique européen. Je pense par exemple à la mise en place de la procédure de règlement des petits litiges (dernièrement modifiée en décembre 2015), ou encore à la directive sur la médiation en matière civile et commerciale de 2008 dont la réécriture se profile, conformément à son article 11. Mais encore aux instruments de coopération judiciaire civile qui, dès l’origine, se sont attachés à la transaction et à ses effets transfrontières. De même, l’arbitrage a très tôt eu à voir avec l’Union européenne même si les relations de l’un et de l’autre ont pu être assez houleuses… Par ailleurs, divers règlements européens touchent directement à la pratique des notaires d’Europe : le règlement « Rome I » sur la loi applicable aux obligations contractuelles, le règlement « successions », ou les très récents règlements sur les régimes matrimoniaux et les régimes patrimoniaux des couples non
mariés (Ndlr : V. supra aperçu rapide d’H.Peroz). Le colloque a pour ambition de faire se rencontrer ces deux branches dans la pratique des notaires d’Europe en s’appuyant notamment sur l’expérience ou l’expertise acquise par la profession dans certains États membres. Ce sont là des champs d’activité assez nouveaux de nature à offrir des perspectives d’avenir pour le notariat, naturellement au service des citoyens d’Europe.

En quoi le notaire pourrait-il être prescripteur et/ou acteur de la médiation et de l’arbitrage ?

Prenons un exemple très simple. Imaginons que le notaire soit en présence d’une succession transfrontière à régler. En cas de difficulté lors de cette succession, rien ne paraît interdire que l’on puisse mettre en place un arbitrage plutôt que de renvoyer l’affaire devant le juge compétent tel que cela est prévu par les dispositions du chapitre II du règlement du 4 juillet 2012. Dès lors qu’il est envisagé qu’en cas de choix de loi par le défunt, les parties puissent élire le juge étatique de la loi nationale applicable et dès lors que le règlement ne contient pas d’exclusion de l’arbitrage (contrairement à d’autres instruments européens), ces parties doivent pouvoir constituer un tribunal arbitral chargé de trancher le différend et dès lors de régler la succession. Et par une composition savamment réfléchie (notaires, universitaires ayant des compétences avérées en matière de succession internationale), ces parties peuvent espérer de manière rapide et définitive une sentence, gage d’efficacité dans la liquidation de la succession. Un même raisonnement peut être mené à propos de la liquidation d’un régime matrimonial…
Au-delà, et dans d’autres matières (vente immobilière, société…), médiation et arbitrage peuvent et doivent davantage jouer leur rôle sous réserve de la seule limite naturelle de l’ordre public international.
Stipuler des clauses de médiation, insérer des clauses compromissoires ou concevoir des compromis sont autant d’hypothèses où le notaire peut exercer ses compétences habituelles mais toujours renouvelées, que ce soit en termes de conseil ou de rédaction d’acte !

Quelles propositions seront faites ?

Il est trop tôt pour répondre à cette question. C’est précisément l’objet des communications assurées par des spécialistes reconnus venant de divers États membres de l’Union européenne et des débats qui s’en suivront que de nourrir ces propositions.
Nous ne manquerons pas de les relayer ensuite dans un numéro spécial de cette revue grâce au partenariat noué avec elle. Mais, déjà quelques « suggestions » peuvent être formulées, sachant qu’elles se situent toutes dans la ligne de la mission confiée par le Conseil supérieur du notariat à la chaire notariale européenne qui, rappelons-le, a été créée il y a un peu moins de 18 mois pour contribuer à la réflexion sur la profession notariale de demain en Europe, tout en préservant les principes fondamentaux qui la gouvernent et, ainsi,  identifier – dans un cadre universitaire – de manière approfondie les enjeux et besoins nouveaux qui se dessinent.
Ainsi, à l’heure où il est question de réformer la formation initiale des notaires et de développer toujours davantage la formation continue, réfléchir à des modules « opérationnels » sur le règlement amiable dans le cadre des semestrialités devient nécessaire. Pour cela, par exemple, il est souhaitable de s’appuyer sur les bonnes pratiques déjà existantes que le colloque a pour objectif de mettre en lumière.
De même, sensibiliser le notaire aux exigences d’indépendance et d’impartialité qu’emporte l’exercice d’une mission de médiation ou d’arbitrage suppose de bien comprendre le rôle de chacun. Là encore, et dans la ligne de certains codes de bonne conduite ou encore d’une jurisprudence abondante qui peut être envisagée par analogie, divers enseignements pourront être tirés.

Propos recueillis par Julia Orfanos