Politique pénale

Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°50

JACQUES-HENRI ROBERT, professeur émérite de l’université Panthéon-Assas, expert du Club
des juristes

Rien de très nouveau sous le soleil de Christiane Taubira 

Les sept commandements des « Principes directeurs guidant la nouvelle politique pénale » ne sont guère nouveaux : les uns répètent des dispositions légales, par exemple l’article 132-24 du Code pénal qui fait de l’emprisonnement correctionnel une solution de dernier recours ; d’autres rappellent des principes, comme la spécialisation de la justice des mineurs, ou bien répandent de bonnes paroles que personne ne songe à contester (par exemple « Vous vous attacherez au respect des droits de la défense »). On attendait davantage sur les mineurs, mais il faudra se contenter de généralités. Un point numéro cinq ( « Une attention particulière portée aux victimes » ) n’innove pas davantage et s’arrête à des détails qui ne relèvent pas de la grande politique, tels que « la mise en place d’une signalétique ad hoc » pour faciliter « l’orientation des victimes vers les BAV » (bureaux d’aide aux victimes).
La récidive fait l’objet des paragraphes 4 et 7 de la circulaire relatifs aux peines planchers prévues par les articles 132-18-1 et 131-19-1 du Code pénal. On ne trouve pas de signe annonçant leur abrogation mais deux recommandations données aux magistrats du parquet : qu’ils tiennent « le plus grand compte… de la situation personnelle, sociale et économique de chaque prévenu » et qu’ils ne se considèrent plus liés par les circulaires antérieures qui leur auraient ordonné d’interjeter systématiquement appel en cas de condamnation inférieure à ces peines.

Le paragraphe 7 intitulé « Lutte contre la récidive et la réitération » ne manifeste aucune clémence. Les représentants du parquet sont invités à « solliciter la révocation totale ou partielle des sursis avec mise à l’épreuve », ce qui ne peut concerner que des peines d’emprisonnement ; et, quand le suivi socio-judiciaire sera encouru, il faudra en requérir l’application « chaque fois que la personnalité du condamné le justifiera ». Or, il s’agit d’une peine très lourde, bien qu’elle soit exécutée en dehors de la prison, et qui contient bien d’autres mesures encore plus contraignantes que la seule injonction thérapeutique : surveillance électronique mobile ( C. pén., art. 131-36-9 ) et toute l’énorme batterie des peines privatives de droit prévues à titre d’épreuve du sursis avec mise à l’épreuve (interdiction de conduire, d’exercer certaines professions, de fréquenter certaines personnes etc, C. pén., art. 132-44 et 132-45 ).

On devra attendre, pour en savoir davantage sur la récidive, les conclusions de la Conférence de consensus de prévention de la récidive mise en place par la ministre, cette dernière ignorant
alors les travaux de la Commission permanente d’analyse et de suivi de la récidive dont le rapport, souvent cité dans les travaux parlementaires, a été publié en 2007.

Autre volet de la circulaire : l’aménagement et l’exécution des peines. On sait depuis longtemps qu’un grand nombre de condamnations à l’emprisonnement ferme ne sont pas mises à exécution, non pas parce que les condamnés sont en fuite mais parce que les autorités judiciaires ne les convoquent pas.
L’abandon du programme de construction de prisons prévu par la loi du 27 mars 2012 accroît la difficulté et le ministère de la Justice se trouve en quelque sorte en état de cessation de paiements
à l’égard des peines qui devraient être exécutées et qui ne le sont pas. La circulaire propose les moyens d’apurer le passif comme l’avait déjà fait la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. D’abord en ne l’augmentant pas par de nouvelles incarcérations inutiles : le juge de l’application des peines sera saisi de demandes d’aménagement traitées selon une procédure simplifiée sans débat contradictoire (§ 6.2). Ensuite, les parquets tenteront de persuader ce magistrat de ne pas mettre à exécution des « peines anciennes ou inférieures à six mois d’emprisonnement », le « ou » signifiant que les vieilles peines, même si elles sont supérieures à six mois pourraient donc n’être jamais exécutées (§ 6.3 ). Enfin, les procureurs hâteront la sortie de prison des condamnés qui purgent effectivement leur peine, et utiliseront à cette fi n les procédures rapides déjà instituées par les lois
du 9 mars 2004 et du 24 novembre 2009 (§ 6.4 ). Ces expédients, qui ne sont pas illégaux, supposent que les agents des services pénitentiaires d’insertion et de prévention assument effectivement la prise en charge des condamnés auxquels on aura ainsi évité le malheur de l’incarcération. Mais la circulaire n’en dit mot.

LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 50 – 10 DÉCEMBRE 2012

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