EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 1-2 – 14 JANVIER 2019
LA SEMAINE DU DROIT LES ACTEURS
François Molins au sommet
Après 7 années passées à la tête du parquet de Paris, François Molins a pris ses fonctions de procureur général près la Cour de cassation, le 16 novembre dernier. La plus haute fonction du parquet pour un magistrat hors normes (V. dans ce numéro, JCP G 2019, act. 6, Entretien).
Peu de magistrats font l’unanimité, François Molins, si. De ce journaliste de Libération qui écrivait, en novembre 2015, « Monsieur le procureur, je vous aime », à l’hommage rendu par le premier président de la Cour de cassation, Bertrand Louvel à sa brillante carrière lors de son audience d’installation, le procureur force l’admiration. Pour la presse, il est le « super proc » ; pour le grand public, l’une des rares personnalités du monde judiciaire connue et appréciée. Lui ne se voit pas en héros.
« Intenses et passionnantes » sont ses mots, sobres, pour décrire ces 7 années au parquet de Paris. « Dramatiques » aussi. Malgré lui, François Molins est devenu « la voix et la figure de l’antiterrorisme ». À chacun de ses points presse post événements, la France retenait son souffle. Retentissait alors cette voix grave, teintée d’une pointe d’accent pyrénéen, qui nous parlait de l’horreur en termes minutieusement choisis, comme pour remettre de l’ordre dans nos esprits dévastés. L’affaire Merah en 2012, 4 mois après sa prise de fonction, Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, le Bataclan et les attentats de Paris en 2015, à Nice en 2016. À leur évocation, le regard s’obscurcit. « Il y a des choses que je n’oublierai jamais aussi bien en raison des horreurs que j’ai vues, que de la mobilisation des équipes que j’ai dirigées ».
De ces expériences hors du commun, le magistrat a puisé l’humanisme qu’il met au service de la justice, exclusivement dans des fonctions du parquet. Au départ pourtant, pour ce fils d’un médecin militaire, le droit n’était pas une vocation, « J’y suis allé parce que j’étais littéraire ». Natif des Pyrénées Orientales, il débute en 1979 à Carcassonne comme substitut. Sa carrière prend un tournant décisif à Lyon où il passe 11 ans, et rencontre Pierre Truche. « Un grand magistrat qui a déployé beaucoup d’humanisme et d’humanité. Il incarnait une image du parquet que j’ai toujours gardée ». Ce dernier le convainc de continuer au parquet et l’envoie à Villefranche puis à Bastia. La stature haute et le regard bleu acier, François Molins, homme de terrain rigoureux sans être rigide, a insufflé sa méthode dans toutes les
juridictions où il a oeuvré. « Le parquet c’est d’abord une équipe, un mélange d’énergie personnelle et d’énergie collective. C’est ce qui vous porte et vous permet de transcender certaines situations humainement dramatiques ». L’alchimie, ce passionné d’alpinisme la trouve à la montagne où il lui arrive d’emmener ses collègues gravir le Mont Blanc. « La seule verticalité ne peut pas fonctionner. Il faut être proche de ses équipes ».
Le style Molins a fait des émules. Au parquet de Bobigny, marqué par les événements de Clichy-sous-Bois et l’embrasement des banlieues en 2005, on le voit partir à regret. Sollicité par la Chancellerie, il est successivement directeur de cabinet de Michèle Alliot-Marie, puis de Michel Mercier. Un exercice « difficile » mais qui apporte de la « valeur ajoutée », « Il faut accepter de voir des magistrats en cabinets, eux seuls connaissent la réalité juridictionnelle »…
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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck