[Portrait] Hassani Mohamed Rafsandjani lauréat du Prix Guy Carcassonne

LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 30-35 – 29 JUILLET 2019

LA SEMAINE DU DROIT LES ACTEURS

Hassani Mohamed Rafsandjani lauréat du Prix Guy Carcassonne

Décerné par le Club des juristes, Le Monde et la revue Pouvoirs, le 6 e Prix Guy Carcassonne a été remis à Hassani Mohamed Rafsandjani au Conseil constitutionnel le 19 juin pour son article « Enfants de djihadistes mais enfants de la République » (V. l’article : JCP G 2019, act. 827).

Pour Mohamed Rafsandjani, le sujet ne souffre aucune ambiguïté : au nom de ses engagements juridiques, l’État français doit rapatrier les enfants de djihadistes, de nationalité française, retenus dans des camps sous contrôle kurde dans le nord-est de la Syrie. Derrière le terme enfants de djihadistes se cache en effet « une catastrophe humanitaire dont on ne mesure que très moyennement l’ampleur », alerte-t-il. Interpellé par les résultats d’une enquête indiquant qu’une large majorité de Français était opposé à leur rapatriement, Mohamed Rafsanjani, doctorant et ATER en droit public à l’université de Toulon, fait oeuvre de pédagogie en éclairant l’opinion sur ce sujet complexe. « Ce sondage m’a beaucoup étonné étant donné les valeurs humanistes de la France ». Ces enfants « ne seraient plus des enfants de la République, car dès lors que leurs parents ont renié la République, cette dernière n’aurait plus de devoirs envers eux ? ». Au-delà du cas de conscience, la question est avant tout juridique souligne l’auteur de l’article primé. Il montre qu’en ne rapatriant pas ces enfants, la France contrevient à ses engagements internationaux et aux principes généraux garantis par la Constitution. L’État « doit obéir à un devoir de protection de ses ressortissants » et faire primer « l’intérêt supérieur » de ces enfants. Ces derniers ne sont « ni instigateurs ni acteurs de ces conflits, mais des victimes ». Dans ce contexte, pourquoi la France a-telle opté pour un rapatriement « au cas par cas » ? « L’État va dans le sens de l’opinion. Or, céder ainsi s’apparente à du populisme. Ce que Guy Carcassonne qualifiait de “lois bavardes” ». Saisi, le Conseil d’État a estimé qu’il n’y avait pas de moyen de contraindre l’État : la décision relève de la conduite des relations diplomatiques.

On se trouve aux frontières du droit : le texte lui-même ne peut suffire, il faut aussi la volonté des hommes ». Natif des Comores, Mohamed Rafsandjani est venu étudier le droit en France et prépare une thèse sur « Les révisions constitutionnelles en Afrique et la limitation des mandats présidentiels ». « Les Comores est un jeune pays qui n’a pas vraiment formé de juristes. Les conditions de vie y sont difficiles ». Cet archipel de 4 îles, ancienne colonie française indépendante depuis 1975 après une période de grande instabilité, est un pays musulman qui s’est doté en 2001 d’une nouvelle Constitution renforçant les pouvoirs du président. Chaque mercredi, Hassani Rafsandjani tient une chronique dans La Gazette des Comores, une revue indépendante à côté de la Revue de l’État, où il décrypte, à travers le prisme du droit, une décision politique. « C’est important pour moi de participer à la doctrine de mon pays, même si mes positions ne sont pas très appréciées du pouvoir en place ! ».

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck