La Semaine Juridique Edition Générale n°27
LA SEMAINE DU DROIT EN RÉGION
Cour d’appel de Lyon
ATELIER RÉGIONAL DE JURISPRUDENCE
TRAVAIL
779
Prêt de main-d’oeuvre, pas de condamnation sans objet exclusif !
CA Lyon, ch. soc. A, 11 mai 2017, n° 14/10010 : JurisData n° 2017-010808
Franck BAVOZET, avocat
Fidèle à sa méthode du faisceau d’indices, la cour d’appel de Lyon a jugé licite, dans un arrêt du 11 mai 2017, la mise à la disposition de la SNCF d’un salarié engagé pour exercer les fonctions de directeur de projet du programme national de développement des gares de Grenoble. En effet, en l’espèce, le but lucratif du prêt de main-d’oeuvre était certes indiscutable, l’entreprise prêteuse ayant manifestement réalisé un profit en facturant à la SNCF une somme excédant le coût du salaire, des charges sociales afférentes au salarié prêté, et des autres frais supportés par l’entreprise prêteuse (frais de paye et de gestion principalement). Toutefois, cet argument est en lui-même insuffisant à qualifier le caractère illicite du prêt, dès lors que la SNCF a bien eu recours à la mise à disposition du salarié parce qu’elle ne disposait pas, en interne, des compétences suffisantes pour réaliser les opérations visées par les deux contrats successifs de mise à disposition. De plus, même s’il travaillait pour le compte de la SNCF, le salarié est demeuré sous la subordination juridique de son employeur : chaque changement de fonction a fait l’objet d’une ratification par avenant établi par l’entreprise prêteuse et signé par le salarié, peu importe son caractère postérieur à la date de la modification. Au final, cette dernière prenait donc bien toutes les décisions concernant la carrière de son salarié détaché, même si ces décisions se prenaient en accord avec la SNCF. Dans ces conditions, le pouvoir décisionnel de l’employeur ne peut être remis en cause par le fait que les entretiens annuels d’évaluation étaient effectués par le supérieur hiérarchique du salarié au sein de la SNCF, puisque cette entreprise, utilisant ce salarié dans le cadre du détachement dont elle bénéficiait, était certainement la mieux placée pour apprécier la qualité de son travail. Ainsi, la SNCF est demeurée dans son seul rôle d’entreprise utilisatrice et la mise à la disposition ne constituait nullement une opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main d’oeuvre (C. trav., art. L. 8241-1) . De même, le salarié n’établit pas que les salaires perçus de son employeur étaient inférieurs à ceux perçus par un cadre supérieur de la SNCF pour un travail équivalent, ni qu’il a perçu des augmentations dans un pourcentage moindre qu’un salarié de la SNCF. En outre, il a bénéficié des mêmes avantages qu’un salarié de la SNCF (facilités de circulation). Autrement dit, le salarié ne démontre pas le fait dommageable de l’opération à but lucratif de fourniture de main-d’oeuvre, c’est-à-dire l’existence d’une situation qui a pour effet, soit de créer un préjudice aux salariés, soit d’éluder l’application de la loi, d’un règlement ou d’un accord collectif (C. trav., art. L. 8231-1) .
LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N°27 – 03 JUILLET 2017
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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck