Responsabilité pénale

EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 23 – 8 JUIN 2020

LA SEMAINE DE LA DOCTRINE LA VIE DES IDÉES

LE MOT DE LA SEMAINE

Responsabilité pénale

L’entreprise face au risque pénal du fait du covid-19

Philippe Goossens, avocat associé, Altana, expert du Club des juristes

Les débats qui ont animé le législateur lors de l’adoption de la loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire, ont porté sur les conditions de mise en cause de la responsabilité pénale des décideurs publics et privés. Fallait-il dépénaliser pour ne pas risquer une paralysie de l’action publique ou privée, ou au contraire surpénaliser d’éventuels manquements face à cette pandémie aux conséquences funestes ?

La discussion parlementaire a donné lieu à l’adoption d’une légère modification du Code de la santé publique relative à l’application de l’article 121-3 du Code pénal. La notion de « situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire » a été introduite pour apprécier la responsabilité pénale des décideurs. La montagne n’aurait-elle pas accouché d’une souris législative puisque la responsabilité pénale doit depuis longtemps s’apprécier in concreto et non in abstracto. Il est frappant d’entendre certains commentateurs crier au scandale d’une prétendue amnistie cachée, là ou d’autres commentant le même texte regrettent une disposition insuffisamment protectrice… S’agissant des décideurs publics, on ne peut que s’inquiéter de l’augmentation des poursuites à leur encontre. Le juge pénal est-il le juge naturel des fautes politiques ?

Sanctionner une faute politique non intentionnelle par le juge pénal ouvre la porte à un dangereux affaiblissement du pouvoir politique. En ce qui concerne les dirigeants privés, les dispositions de la loi Fauchon permettaient déjà de se prévaloir de la situation sanitaire, même en l’absence de tout ajout par la loi de 2020. Pourtant, on ne peut exclure que des personnes saisissent la justice pénale considérant que les conséquences, parfois dramatiques sur la santé, ne seraient pas le fait de la nature, mais la conséquence d’une faute pénale. C’est en effet une constante de l’évolution de notre société que de vouloir toujours trouver un responsable à tout malheur.

L’introduction dans la Constitution du principe de précaution a participé à ce mouvement sociétal de fond d’une société sans risque. La fatalité ou pour certains la main divine, ne sont plus suffisants pour expliquer les causes d’un malheur, c’est pour certains devant le juge pénal que justice doit être rendue. C’est à cela que doivent tenter de répondre les chefs d’entreprise dont il est fréquent d’entendre dire dans les enceintes judiciaires qu’ils auraient une obligation de sécurité de résultat…ce qui est inexact. Il faut alors un certain courage aux juges pour ne pas céder à la facilité consistant à retenir une faute pour pouvoir satisfaire les parties civiles dont la douleur est souvent, il est vrai, immense. Il revient aux chefs d’entreprises de mettre en place toutes les mesures pour que leurs salariés n’encourent pas de risques et ce en concertation avec les institutions représentatives du personnel, au risque de se voir être sanctionnés judiciairement. Il est parfaitement légitime d’attendre de l’entreprise qu’elle prenne toutes ces précautions, mais comment les magistrats pourront-ils détermine

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck