[3 Questions] Thierry Baranger, premier vice-président du tribunal de Bobigny, président du tribunal pour enfants

EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 51 – 17 DÉCEMBRE 2018

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« Créer un Code de justice des mineurs me semble une excellente chose même s’il serait souhaitable qu’il concerne tout à la fois l’assistance éducative et l’enfance délinquante »
3 questions à Thierry Baranger, premier vice-président du tribunal de Bobigny, président du tribunal pour enfants

Dans une tribune publiée le 6 novembre dernier dans Le Monde et relayée par France Inter, les 15 juges des enfants du tribunal de Bobigny, premier tribunal pour enfants de France, dénoncent « La grande misère de la protection de l’enfance en Seine-Saint-Denis ». Le président du tribunal pour enfants, premier vice-président du tribunal de Bobigny, Thierry Baranger, revient sur cet appel au secours (V. JCP G 2018, act. 1329, Les Acteurs) et réagit à l’annonce de la ministre de la Justice d’une réforme de la justice des mineurs.

3 questions vignetteQu’est-ce qui a conduit les juges des enfants du tribunal de Bobigny à prendre la plume ?
Le tribunal pour enfants de Bobigny a obtenu du ministère de la Justice, en septembre 2018, la création d’un 15 e poste de juge des enfants. Ceci est positif et c’est moins d’un surcroît de magistrats dont nous avons actuellement besoin que de fonctionnaires, greffiers et agents de catégorie C. Ce manque est évalué à plus d’une dizaine de fonctionnaires, rien que pour le tribunal pour enfants. Cette situation n’est pas nouvelle mais ne fait que s’aggraver dans un contexte où l’activité tant pénale que civile ne cesse d’augmenter.

Ce contexte, malgré la bonne volonté, le dévouement et l’implication professionnelle incontestable de l’ensemble du personnel, n’est pas sans conséquence sur le fonctionnement et l’organisation du tribunal pour enfants (absence des greffiers aux audiences, allongement des délais de notification des décisions en assistance éducative, délais de mise à exécution des décisions pénales rendues, impossibilité de créer un véritable service pour gérer l’activité pénale collégiale, relation avec les services éducatifs et les avocats …).

Pour donner une idée de l’activité de la juridiction des mineurs, 6 611 mineurs étaient suivis en protection de l’enfance au 31 décembre 2017 (6 130 en 2016 et 5 704 en 2015), soit une augmentation de 16 %. Au pénal, les juges des enfants ont été saisis de 3 416 mineurs pour des affaires nouvelles, en 2017, contre 3 311 en 2016. Ils ont jugé 2 869 mineurs (2017) et 2 627, en 2016, soit une augmentation de près de 9 %. S’agissant de l’activité au tribunal pour enfants de Bobigny, se tiennent quotidiennement des audiences d’assistance éducative (protection de l’enfance) et des audiences pénales, soit dans le cabinet du juge des enfants, soit devant le tribunal pour enfants, en collégialité, avec deux assesseurs, magistrats non professionnels, et en présence du procureur de la République, pour les faits les plus graves et les affaires criminelles concernant les mineurs de moins de 16 ans.

Par ailleurs, mes collègues participent régulièrement à la cour d’assises des mineurs de Bobigny qui juge les mineurs âgés de 16 à 18 ans au moment des faits. Deux juges des enfants participent à chaque session qui peut durer plusieurs semaines. Ainsi, d’ici fi n juin 2019, et pour son premier semestre, les juges des enfants auront participé à 104 jours d’assises pour 9 affaires. Enfin, tous les jours, week-end et jours fériés compris, se tiennent des permanences où sont déférés des mineurs ayant commis des actes de délinquance. La moyenne est de 7-8 mineurs déférés et jusqu’à 14-15 mineurs. Le parquet des mineurs assure, quant à lui, une permanence 24 h sur 24. Ces dernières années, la situation en assistance éducative n’a fait que se dégrader : au 31 mars 2016, il y avait déjà 426 mesures de milieu ouvert en attente, 755 au 31 mars 2017, pour atteindre près de 900 mesures au 31 août 2018 avec des délais d’exécution qui ne cessent de se rallonger. On est ainsi passé de délais d’attente de 8 à 11 mois entre 2016 et 2017, à quasiment 18 mois au 1 er septembre 2018, entre le jour où le juge des enfants reçoit la famille et prend sa décision et le moment où le service éducatif commence à accompagner la famille. Et ce alors que nous sommes, faut-il le rappeler, dans des affaires concernant très souvent des enfants extrêmement jeunes que leur situation familiale met en péril : violences physiques, sexuelles, psychologiques, délaissement parental, négligence et carence dans les soins et l’éducation. Cette situation tient à un manque flagrant de personnel, lié aux restrictions budgétaires, dans un contexte où la dégradation des conditions du travail éducatif, social et psychologique en Seine-Saint-Denis rend plus difficile les recrutements…

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