Visas dits « humanitaires » : la régulation a minima du droit d’asile par la Cour de justice de l’Union

La Semaine Juridique Edition Générale n°18

Note

UNION EUROPÉENNE

Visas dits « humanitaires » : la régulation a minima du droit d’asile par la Cour de justice de l’Union

L’article 1 er du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13  juillet 2009, établissant un code communautaire des visas (code des visas), tel que modifié par le règlement (UE) n° 610/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, doit être interprété en ce sens qu’une demande de visa à validité territoriale limitée introduite par un ressortissant d’un pays tiers pour raisons humanitaires, sur la base de l’article  25 de ce code, auprès de la représentation de l’État membre de destination, située sur le territoire d’un pays tiers, dans l’intention d’introduire, dès son arrivée dans cet État membre, une demande de protection internationale et, par suite, de séjourner dans ledit  État membre plus de 90 jours sur une période de 180 jours, ne relève pas de l’application dudit code, mais, en l’état actuel du droit de l’Union européenne, du seul droit national. 

HENRI LABAYLE,  professeur à l’université de Pau et des pays de l’Adour, GDR CNRS 3054, Centre d’excellence Jean Monnet d’Aquitaine

CJUE, gr. ch., 7 mars 2017, aff. C-638/16, X et X c/Belgique : JurisData n° 2017- 007076

À n’en rester qu’à deux décisions récentes ayant défrayé la chronique ( CJUE, 16 févr. 2017, aff.-C-578/16, C. K et a., PPU : JurisData n° 2017-004860. – CJUE, 7 mars 2017,aff.-C-638/16, X et X. c/ Belgique ), la Cour de justice vient d’administrer la preuve de son rôle déterminant au coeur des « politiques communes » d’asile régies par le titre V du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Au vu de leur forte réglementation par l’Union depuis plus de 20 ans, une telle influence du juge européen peut surprendre. Deux explications, parmi d’autres, le justifient pourtant. Au plan technique, l’usage des procédures préjudicielles d’urgence conduit désormais de façon presque banale la Cour à trancher des interrogations pressantes reflétant l’ampleur de la crise migratoire traversée par l’Union et ses États membres. D’où la force de cet écho jurisprudentiel. Au plan juridique, la justiciabilité de la Charte des droits fondamentaux et de ses garanties transfigure le cadre du contentieux de l’asile et de l’immigration.
Tel était l’arrière-plan de l’affaire X et X contre Belgique, où rien moins que l’ouverture d’une voie d’accès légale dans l’Union en faveur d’une famille de demandeurs d’asile, sous la forme de visas dits « humanitaires » (sans que le terme se départisse de son ambiguïté) demandés depuis l’extérieur,
était en cause. Interpellée par le juge national belge quant à l’impact concret des proclamations européennes du droit d’asile et du respect des droits fondamentaux sur les règles d’accès au territoire de l’Union, la Cour de justice n’a d’autre choix que celui de la défausse, dans une argumentation
dont la sécheresse et la pauvreté dénotent au vu des enjeux. Sa réponse au fond étant conditionnée par l’applicabilité du droit de l’Union, nier
celle-ci en réaffirmant l’exclusivité de la compétence nationale ( 1 ) lui suffit pour ne pas avoir à mettre en harmonie le droit et la réalité des besoins de la protection internationale ( 2 ).
1. L’accès au territoire pour  demander l’asile, une compétence  demeurée nationale
La problématique d’une famille syrienne désireuse de pénétrer en Belgique pour y demander l’asile a donc fait l’effet d’un coup de tonnerre, au plan national comme au sein de l’Union, en raison de son choix d’utiliser une demande de visa de court séjour pour y parvenir. Témoignent de cette
inquiétude les observations déposées par quatorze États membres devant la Cour. Nul ne s’y trompait, de la presse internationale aux diverses ONG, le sens de la décision rendue le 7 mars 2017 dans l’affaire X et X contre Belgique porte bien au-delà de la situation dramatique des intéressés.
A. – De l’usage des visas de court séjour
En l’espèce, une famille syrienne de trois enfants avait pris toutes sortes de risques dans son pays en guerre pour parvenir au (…)

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LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N°18  – 1er MAI 2017

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck

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