La diffusion de la jurisprudence en Europe : jusqu’où anonymiser les décisions de justice ?

La jurisprudence dans le mouvement de l’open data

L’OPEN DATA ET LA JURISPRUDENCE – APPROCHES COMPARÉES

La diffusion de la jurisprudence en Europe : jusqu’où anonymiser les décisions de justice ?

Bénédicte Fauvarque-Cosson, professeur à l’université Panthéon-Assas (Paris II) présidente du réseau Trans Europe Experts vice-présidente de l’Académie internationale de droit comparé

Un nouveau droit des données publiques se construit grâce aux formidables possibilités qu’offre le numérique, mais le droit au respect de la vie privée est menacé. Pour mieux en assurer le respect, l’anonymisation des décisions de justice diffusées sur internet semble appelée à se généraliser en Europe. Pourtant, l’étude des traditions culturelles et des pratiques judiciaires des États membres de l’Union européenne montrent que si certains pays, parce qu’ils diffusent désormais largement leur jurisprudence sur internet, exigent l’anonymisation, d’autres, en revanche, tel le Royaume-Uni, adoptent une position différente, justifiée par une longue tradition démocratique, favorable à une justice ouverte. Faut-il anonymiser les décisions de justice et jusqu’où ? Il serait utile qu’à la lumière du droit comparé, le cadre européen soit précisé, à travers des lignes directrices ou autres instruments de droit souple.
1 – Apparue dans les années 1990 à l’initiative d’auteurs américains qui revendiquaient l’ouverture et le partage du résultat de leurs travaux face à la privatisation des connaissances, l’ouverture des données (open data) s’est imposée, bien au-delà du monde de la recherche universitaire. L’ouverture des données évoque les exigences d’accessibilité à l’information, mais aussi celles de transparence et de responsabilité. Rattachée à la gestion des données par les administrations, elle a acquis une dimension politique nouvelle. L’open data est un instrument de l’open government et de la revitalisation de la démocratie par la
participation citoyenne. Aux États-Unis par exemple, la loi sur le libre accès à l’information (1966) a été modifiée en 2007 par l’Open Government Act. 2 – L’ouverture des données publiques est devenue un axe central du gouvernement américain ainsi que de nos démocraties européennes. Le Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO), qui rassemble 70 pays, atteste de l’importance du mouvement à l’échelon mondial2. En France, la première version du portail data.gouv.fr de décembre 2011, a suivi le lancement, en janvier 2010, du site data.gov.uk par le gouvernement britannique, peu après celui du site américain data.gov. Ce portail, dont une nouvelle version a été diffusée en décembre 2013, rassemble et met à disposition l’ensemble des informations publiques de l’État et de ses établissements publics. Il sert le triple objectif de la politique d’ouverture des données publiques : la transparence, la stimulation de l’innovation ouverte, la modernisation de l’action publique. La France, membre du PGO, a accueilli son sommet, en décembre 2016.
3 – Dès 2003, l’Union européenne avait adopté la directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil concernant, non pas l’ouverture des données publiques, mais « la réutilisation des informations du secteur public »3. Cette directive reconnaît la nécessité de fixer un cadre général tant « les informations émanant du secteur public constituent une matière première importante pour les produits et les services de contenu numérique et deviendront une ressource de plus en plus importante sur le plan du contenu à mesure que les services de contenu sans fil se développeront »4. La Charte du G8 pour l’ouverture des données publiques, affirme quant à elle, dans son préambule, que l’ouverture des données publiques est au coeur de la « montée en puissance d’un mouvement planétaire favorisé par la technologie et les médias sociaux et stimulé par l’information – un mouvement au potentiel extraordinaire pour encourager l’émergence d’entreprises et de gouvernements plus responsables, efficaces, proactifs et efficients, et pour stimuler la croissance économique ». Datée du 18 juin 2013, cette Charte consacre le principe d’ouverture et de réutilisation : les données doivent être « accessibles et réutilisables par tous ».

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La Semaine Juridique – Édition Générale – Supplément au N°9, 27 février 2017 à télécharger gratuitement

SJG jurisprudence dans le mouvement de l'open data

La jurisprudence dans le mouvement de l’open data

Actes du colloque à la Cour de cassation 14 octobre 2016

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