[ÉDITO] Deux présidentes face aux ténèbres – Pascale Robert Diard

EXTRAIT DE LA REVUE DE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N°48 – 5 DÉCEMBRE 2022

Sylvie W. s’était promis de tenir. D’être « à la hauteur de son procès » disait-elle. Elle voulait être jugée et condamnée pour les crimes qu’elle a commis. Un vendredi de novembre 2019, cette infirmière, tout juste promue cadre de santé, a dérobé des doses d’insuline dans la clinique qui l’employait. Le dimanche soir, après avoir aidé ses filles à faire leurs devoirs, joué avec elles, préparé le dîner, elle les a installées dans sa chambre devant la télé, leur a distribué à chacune un somnifère en leur faisant croire que c’était un traitement contre la toux, a attendu qu’elles s’endorment pour leur injecter de l’insuline et s’est piquée elle-même. Sa cadette, âgée de 7 ans, est décédée. Son aînée de huit ans et demi a survécu. En se réveillant, l’enfant a sauvé sa mère de la mort. Pendant quatre jours, devant la cour d’assises de la Côte d’Or, à Dijon, l’accusée a tenté de respecter sa promesse. Jusqu’à ce jeudi 10 novembre où les ténèbres l’ont emportée. Après une heure de chaos, de cris, de hurlements à glacer le sang, Sylvie W. a quitté le palais de justice de Dijon, sédatée et entravée sur un brancard de pompier, pour être hospitalisée d’office en service de psychiatrie. Son procès a été renvoyé sine die. « Nous sommes obligés de nous incliner devant cette difficulté que nous n’avons pas choisie et qu’elle n’a pas choisie non plus », a énoncé d’une voix blanche la présidente Caroline Podevin.

LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE

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AUTEURS : Patrick Morvan, Marie Mesnil, Yann Paclot, Marta Torre-Schaub, Pascale Robert-Diard, Gaëlle Marti, Lucie Cluzel-Métayer, Samir Merabet, Gaëlle Filhol et William Brillat-Capello