Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°28
LA SEMAINE DU DROIT L’ENTRETIEN
ENVIRONNEMENT
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« Le droit est essentiel pour s’adapter au monde nouveau et pour adapter ce monde nouveau. C’est le but du Pacte mondial pour l’environnement »
Samedi 24 juin, Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, ancien président de la COP 21, a remis au président de la République, Emmanuel Macron, un avant-projet de Pacte mondial pour l’environnement, à l’occasion d’une conférence internationale – organisée par le Club des juristes en partenariat avec LexisNexis à la Sorbonne –, en présence de Ban Ki-moon, ancien Secrétaire général des Nations Unies, de Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire, et de nombreux experts internationaux. Ce Pacte, un avant-projet composé d’un Préambule et de 26 articles, est appelé après les deux Pactes internationaux de 1966, à compléter l’édifi ce des normes fondamentales. Il a vocation à devenir un traité international contraignant destiné à protéger l’environnement dans sa globalité, créant ainsi une 3e génération de droits fondamentaux. Le texte doit être porté devant l’ONU dès septembre par le président de la République.
Entretien exclusif avec Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel
La Semaine juridique, Édition générale : Vous avez présidé la COP 21, qui s’est conclue par l’Accord de Paris entré en vigueur le 4 novembre 2016, c’est un beau succès. Les États-Unis ont pourtant annoncé leur retrait de l’Accord début juin. Certains y voient une remise en cause, d’autres une opportunité. Quel est votre point de vue ?
Laurent Fabius : Objectivement, la décision du président Trump constitue un handicap pour l’application de l’Accord de Paris. Les États-Unis sont en effet la première puissance et le deuxième polde M. Trump, en novembre 2020. Dans le même temps, nous constatons avec satisfaction qu’il s’est produit, y compris aux États-Unis, une réaction forte de nombreux partenaires en désaccord avec M. Trump, et que la position du président américain n’a pas été suivie par d’autres pays. De là à estimer que l’attitude de l’administration américaine offre une opportunité et renforce l’Accord de Paris : je n’irai pas jusque-là ! Bref, c’est un handicap mais il peut être surmonté si tous les autres partenaires agissent positivement. lueur au monde. En se retirant de l’Accord, ils l’affaiblissent. En particulier, jusqu’ici les États-Unis contribuaient financièrement à un certain nombre d’actions en faveur de la lutte contre le dérèglement climatique, notamment en direction des pays en développement. Le président Trump a donné pour instruction de stopper ces contributions. Il faudra compenser cette défection, notamment pour le Fonds Vert. C’est donc un handicap, même si d’un point de vue juridique l’effectivité de ce retrait n’interviendra que juste après la fin du mandat de M. Trump, en novembre 2020. Dans le même temps, nous constatons avec satisfaction qu’il s’est produit, y compris aux États-Unis, une réaction forte de nombreux partenaires en désaccord avec M. Trump, et que la position du président américain n’a pas été suivie par d’autres pays. De là à estimer que l’attitude de l’administration américaine offre une opportunité et renforce l’Accord de Paris : je n’irai pas jusque-là ! Bref, c’est un handicap mais il peut être surmonté si tous les autres partenaires agissent positivement.
La Semaine juridique, Édition générale : Les États-Unis peuvent choisir de dénoncer la Convention-cadre de Rio de 1992, pour une notification de la sortie de l’Accord de Paris dans un délai resserré. Quel sera, à votre avis, le scénario retenu ?
Laurent Fabius : La dénonciation de la Convention-cadre de Rio (Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, CCNUCC, 9 mai 1992) n’est pas le scénario envisagé. Le président américain a évoqué un retrait de l’Accord de Paris, pas de la Convention-cadre.
JCP G : Vous avez remis au président de la République un avant-projet de Pacte mondial pour l’environnement. Quelle a été la genèse de ce projet ?
Laurent Fabius : Depuis plusieurs dizaines d’années, des travaux sont menés par des experts du droit environnemental, notamment par l’organisation internationale UICN (Union internationale pour la conservation de la nature). Ils sont souvent excellents mais, jusqu’à présent, ils n’avaient pas abouti à une réalisation concrète, à défaut notamment d’adossement politique. Pour conclure un traité international, la condition de base est que les États s’engagent. Le Pacte mondial pour l’environnement, que j’ai remis le 24 juin dernier au président Macron, est le résultat d’une convergence entre plusieurs éléments. D’abord, le besoin évident, compte tenu de la dégradation de l’environnement, de mettre au point des dispositions de droit positif correspondant à une troisième génération de droits, en adéquation avec le monde nouveau. Ensuite, le succès de l’Accord de Paris sur le climat a montré que l’on pouvait avancer, mais en même temps il a acté la détérioration grandissante de l’environnement. Dans ce contexte, les juristes, notamment les juristes français de la Commission Environnement du Club des juristes sous la présidence de Yann Aguila, ont fourni avec leurs collègues étrangers un important travail de réflexion et d’élaboration d’un avant-projet de traité. Ils m’ont sollicité, compte tenu de l’expérience et de la confiance acquises lors de la COP 21, pour conduire la rédaction finale avec de nombreux experts internationaux et favoriser la réalisation effective du projet, ce que j’ai accepté avec enthousiasme. Nos travaux communs ont débuté en septembre 2016. De nombreuses itérations ont eu lieu avec des spécialistes du monde entier. Au mois de juin 2017, deux événements majeurs ont été organisés : une réunion le 23 juin avec des juristes venant d’une quarantaine de pays, pour finaliser l’avant-projet de Pacte. Le 24 juin, une manifestation internationale s’est déroulée pour populariser ce projet, dans le Grand Amphithéâtre de la Sorbonne, avec des personnalités nationales et internationales. Le président de la République est intervenu de manière claire et forte, pour soutenir le projet, ce qui donne une nouvelle dimension au Pacte. Porté désormais par l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, il a vocation à devenir avec le soutien de très nombreux pays un traité international.
JCP G : Pendant la phase d’élaboration du Pacte, de nombreux experts ont été consultés : qui sont-ils ? Quelle a été la méthode de travail ?
Laurent Fabius : C’est toute l’originalité de la démarche. (…)
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LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N°28 – 10 JUILLET 2017
La Semaine Juridique – Édition Générale
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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck