[Libres propos] Des mille et une façons d’être féministe

EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 9-10 – 4 MARS 2019

LA SEMAINE DU DROIT LIBRES PROPOS

Femmes et Droit

Des mille et une façons d’être féministe

POINTS-CLÉS ➜ Si le droit n’a pas manqué d’accompagner les grandes revendications féministes du XX e siècle, le féminisme se conjugue désormais au pluriel ➜ Porteur de revendications contradictoires, les différents mouvements qui s’en réclament s’opposent sur les moyens de l’émancipation féminine, à l’heure où de nouveaux défi s se font jour

Julie Klein, professeur à l’université de Rouen

Peut-il exister un discours d’une femme professeur de droit sur le féminisme ? Il pourrait assurément convoquer les grandes figures pionnières : Jeanne Chauvin bien sûr, première femme avocate (V. dans ce numéro JCP G 2019, act. 220, Portrait), mais surtout Charlotte Béquignon- Lagarde qui, avant d’être la première magistrate française, fût dès les années 1930 la première femme agrégée des facultés de droit (http://www.jss.fr/Charlotte_BequignonLagarde__ qui_etait_la_premiere_
femme_magistrate_francaise_-1407.awp). Il devrait aussi, sans doute, partir du rôle prêté ici au système juridique, passé du statut de complice d’une société patriarcale à celui de rouage essentiel de l’émancipation des femmes. Que l’on y songe : suppression de l’incapacité civile de la femme mariée par la loi du 18 février 1938, inscription du principe de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le Préambule de la Constitution de 1946, autorisation de la contraception par la loi Neuwirth du 19 décembre 1967, légalisation de l’avortement par la loi Veil n° 75-17 du 17 janvier 1975, promotion de l’égalité professionnelle par les lois Roudy n° 83-635 du 13 juillet 1983, reconnaissance de l’égalité des époux dans la gestion des biens de la famille et des enfants par la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985, création du congé de paternité en 2002 (L. n° 2001-1246, 21 déc. 2001), ou encore, tout récemment, renforcement de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes par la loi du 3 août 2018 (L. n° 2018-703 : JCP G 2018, act. 947, Aperçu rapide P.-J. Delage ; JCP G 2018, act. 975, Libres propos Ph. Bonfils), le législateur a progressivement fait siennes nombre des revendications féministes. Le temps paraît désormais bien éloigné où Carbonnier pouvait écrire que « l’équilibre des forces dans le ménage est une donnée de fait qui ne peut être modifiée que très faiblement par des dispositions de droit » (J. Carbonnier, Droit civil, vol. I, Introduction – Les personnes La famille, l’enfant, le couple : PUF, Quadrige Manuels, 1 re éd. (Quadrige), 2004, p. 1237).

Bien au contraire, au-delà de la consécration de principe d’une égalité formelle, c’est vers une égalité concrète que sont désormais tournés les efforts législatifs, qu’il s’agisse de lutter contre les discriminations ou d’imposer, par le recours à la technique des quotas, une parité dans tous les champs de responsabilité. Après avoir contribué à transformer la scène politique française (L. n° 2000-493, 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives) , les voici désormais imposés dans les conseils d’administration pour assurer la mixité dans la gouvernance des entreprises, avec l’espoir de faire évoluer les mentalités dans un cénacle des affaires encore largement masculin (L. Copé-Zimmermann n° 2011- 103, 27 janv. 2011, et surtout, pour une généralisation du mécanisme, L. n° 2014- 873 , 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes : JCP G 2014, act. 918, Aperçu rapide B. Ancel)

LA SEMAINE JURIDIQUE ÉDITION GÉNÉRALE

Le magazine scientifique du droit.

Votre revue sur tablette et smartphone inclus dans votre abonnement.

AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck