Malik Salemkour, vers un anti-racisme fédérateur

La Semaine Juridique Edition Générale n°28

LA SEMAINE DU DROIT LES ACTEURS

Malik Salemkour, vers un anti-racisme fédérateur

Membre de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) depuis 1989, Malik Salemkour a pris la tête de l’organisation début juin. Engagé depuis  l’adolescence, il défend l’égalité des droits, combat les divisions communautaristes et l’état d’urgence.

Cheveux châtains clair, regard bleu, Malik Salemkour ne porte pas sur lui ses origines algériennes. Et n’a pas vécu autant que d’autres, dans les années 1970 en France, « le racisme anti-algérien ». Mais récemment, le nouveau président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) a perçu une « curieuse ethnicisation du regard social ». « Dans ma vie professionnelle ou privée, alors que personne ne me posait la question auparavant, on me demande parfois si je suis musulman, pratiquant, si je mange ceci ou si je bois cela », remarque-t-il sans savoir l’expliquer. S’il lutte contre les injustices depuis ses jeunes années, éveillé par ses professeurs dès l’école primaire « aux réalités du monde », le militant se bat également contre la « concurrence des misères ». Il l’a dénoncée dès 2000 en participant à la création, avec Médecins du Monde, du collectif RomEurope qui vise à défendre les droits des Roms ou présumés Roms. Venus de Bulgarie et de Roumanie, ils ne sont alors pas ressortissants de l’Union européenne. Pourtant, les associations de Sans papiers ne veulent pas les intégrer dans leurs démarches, pointant la mendicité avec enfants, les trafics. « Personne ne leur donnait une humanité », rappelle celui qui est alors déjà à la direction nationale de la LDH. « Il n’y a pas de sanction collective à avoir et pas de groupe ininsérable a prio-ri , insiste-t-il. Notre succès ce sont toutes ces familles qui ont un travail déclaré, un petit appartement et ne sont plus perçus comme des Roms ». Aujourd’hui, les deux grandes priorités de la LDH concernent la lutte contre les discriminations et la levée de l’état d’urgence. « Tous les moyens pour lutter contre le terrorisme ne sont pas bons, soutient Malik Salemkour qui rappelle que seules une vingtaine de procédures ont été engagées par le parquet antiterroriste sur des milliers de perquisitions, contrôles, assignations. Avec le renouvellement de l’état d’urgence jusqu’au 1 er novembre, il craint que ces mesures soient utilisées pendant les prochains mouvements sociaux prévus cet été et liés au débat sur la prochaine loi travail. « Je n’imagine pas les préfets s’empêcher d’utiliser ces pouvoirs », dit-il. Et de pointer « l’épuisement des policiers, gendarmes et militaires » sur-sollicités, « ce qui a conduit à multiplier les incidents, bavures et les inquiétudes à leur égard ». Il dénonce également la méconnaissance de l’inconstitutionnalité de mesures néanmoins reconduites « en pleine conscience, notamment sur la liberté de circulation ». Enfin, ce corpus de règles d’exception a d’après lui « instauré une présomption de culpabilité sur les musulmans qui n’aide pas à l’unité nationale » et contre laquelle il souhaite mobiliser collectivement « pour réussir à s’indigner contre tous les racismes de la même manière ». Directeur juridique et financier d’un syndicat intercommunal, Malik Salemkour préside la LDH à titre bénévole comme l’ensemble des membres des 350 sections, fédérations et représentations régionales. Il reconnaît une certaine défiance envers l’engagement long tel que perçu dans les organisations politiques, syndicales et associatives. « Il faut nous adapter, assuret-il, faire face à une réforme de notre mode de gouvernance, voir comment faire de l’émotion sur un réseau social un engagement qui se transforme en action politique dans le champ démocratique ». Enfin, sa mission sera de convaincre les entreprises soucieuses de s’investir dans la responsabilité sociale et environnementale, de verser une partie de l’argent dans des fonds régionaux de soutien à la vie associative et pas seulement aux fondations spécifiques. De cette manière « le don ne serait plus concentré sur quelques associations comme c’est le cas aujourd’hui ».

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LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N°28  – 10 JUILLET 2017

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck

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